Réhabilitation d’antibiotiques écartés jusque là, remise en question chez l’homme du « tout prostatite », etc. Face à la montée en puissance des problèmes d’antibiorésistance, les nouvelles recommandations françaises sur les infections urinaires proposent un regard plus pragmatique sur ces pathologies.
Parce que les infections urinaires communautaires (IUC) sont de plus en plus concernées par des problèmes d’antibiorésistance (notamment vis-à-vis des fluoroquinolones et des céphalosporines), la Société de pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF) vient d’émettre de nouvelles guidelines sur le sujet. Par rapport aux recommandations françaises de 2008, la nouvelle feuille de route revisite à la fois la définition des différentes entités constituant les IUC, les explorations diagnostiques préconisées et les stratégies thérapeutiques à mettre en œuvre. Avec, en toile de fond, la volonté de circonscrire au maximum les situations nécessitant réellement une antibiothérapie. Et, le cas échéant, de proposer les molécules ayant l’impact le plus faible sur l’écologie bactérienne.
Diabète ne rime plus avec complications
Concernant la terminologie, les auteurs distinguent désormais les IU « simples » et les IU « à risque de complication ». « Ce dernier terme est plus explicite que l'ancienne dénomination d'IU compliquée et met mieux en valeur la notion de facteur de risque lié au terrain sous-jacent », soulignent les auteurs. La liste des facteurs de risque a été davantage précisée et globalement revue à la baisse. Ainsi, bien que les IU soient plus fréquentes chez les patients diabétiques, le diabète, même insulino-requérant, n’est plus considéré comme un facteur de risque de complications. La notion de sujet âgé a aussi été clarifiée et tient désormais compte du paramètre fragilité.
Des cystites chez l’homme ?
Mais le plus gros bouleversement nosologique concerne clairement les infections de l’homme. Alors que jusqu’à présent, toute IU en population masculine était considérée comme une prostatite, désormais les experts préfèrent désormais parler d’« IU masculine ». « Car s’il existe d’authentiques prostatites, on observe aussi chez l’homme des infections urinaires où l’atteinte de la prostate n’est pas certaine avec notamment des tableaux cliniques peu bruyants que les anglosaxons appellent déjà “cystite like” », explique le Pr François Caron, président du groupe de travail à l’origine de ces recommandations. « Nous ne nous sommes pas autorisés à utiliser le terme en français, poursuit ce spécialiste. Mais le concept est bien celui d’une infection urinaire sans fièvre, sans altération de l’état général et sans certitude sur l’atteinte prostatique ».
Face à ces tableaux, la tentation était grande d’appeler à lever le pied sur l’antibiothérapie en proposant des durées de traitement plus courte. Mais pour le moment, faute de données suffisantes, « on ne peut pas aller au bout de la démarche ». Les recommandations françaises n’ont donc pas franchi le pas et à l’heure actuelle, les 14 jours d’antibiothérapie restant incompressibles. Cependant, un projet de recherche sur le sujet est en cours et les choses pourraient bouger rapidement. D’ores et déjà, en cas d’IU masculine pauci- symptomatique, les recos préconisent autant que possible « un traitement antibiotique différé jusqu'au résultat de l’ECBU ».
De même, chez la femme, à risque de complications, les experts insistent sur cette notion de traitement différé adapté aux résultats de l’antibiogramme. Dans les rares situations où une antibiothérapie probabiliste est nécessaire, la nitrofurantoïne reste le traitement de choix comme le préconisait déjà les recos de 2008.
Antibiotiques réhabilités
En revanche, pour les cystites simples, les nouvelles recos proposent des options inédites. Le traitement probabiliste par fosfomycine-trométamol (Monuril®) en dose unique reste la règle en 1re intention. Mais en cas de contre-indication (très rares cas d’allergies) ou d’effets secondaires (dyspepsie essentiellement), les fluoroquinolones, jusqu’alors préconisées en 2e intention, cèdent la place à un vieux médicament tombé en désuétude : le pivmécillinam (Selexid®). Très peu prescrit en France (avec à peine 7 000 boites vendues en 2012), ce dérivé des bêta-lactamines fait par contre l’objet d’une utilisation massive en Scandinavie depuis des années « avec des données vraiment favorables en terme d’efficacité et de tolérance », rapporte le Pr Caron ainsi qu’« un effet minimal sur le microbiote intestinale et la microflore vaginale ».
D’où un regain d’intérêt ayant conduit à sa réhabilitation dans la cystite simple et à son tout récent remboursement. Reste à réviser l’AMM. Car, si dans les recommandations les posologies préconisées sont de 400 mg matin et soir, l’AMM actuelle manque de précisions.
À terme, d’autres « vieilles » molécules pourraient aussi sortir de l’ombre et trouver une place dans les infections urinaires, comme le triméthoprime « que l’ANSM est en train de réhabiliter » ou les furanes dont la toxicité est en train d’être réévaluée.