Surveillance d’un patient sous hormonothérapie

Des mesures précoces

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Publié le 14/06/2018
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cancer prostate

cancer prostate
Crédit photo : phanie

Les indications de l’hormonothérapie se sont élargies dans des situations curatives, en association à la radiothérapie pour des cancers de la prostate à haut risque de récidive. Parallèlement, la durée d’exposition, à ce traitement a augmenté avec l’amélioration de la survie. De ce fait, le nombre de patients recevant un traitement hormonal s’est fortement accru, et la question des complications de la castration se pose avec plus d’acuité.

Ces complications sont de quatre grands ordres. Générales, avec des bouffées de chaleur, des troubles de la libido et de l’érection, souvent confondus et étiquetés « troubles de la sexualité ». Des symptômes mal caractérisés à type de troubles de l’humeur et de troubles cognitifs. Et deux autres grands types de complications, responsables d’une surmortalité : la déperdition osseuse et les maladies cardiovasculaires.

« La castration entraîne une perte d’os et de muscle et un gain de masse grasse », rappelle le Pr Pierre Mongiat-Artus (Paris). Ceci se traduit par un syndrome pseudo-métabolique, qui associe une augmentation du périmètre ombilical et des anomalies biologiques. Le terme de pseudo-métabolique rend compte de l’augmentation, et non de la baisse, du HDL-cholestérol. Ce syndrome découle d’une résistance à l’insuline qui survient précocement, dans les 3 à 6 premiers mois du traitement, secondairement à la modification de la répartition de la masse grasse. « Les patients grossissent, et il est très difficile de leur faire perdre du poids du fait de la résistance à l’insuline, précise le Pr Mongiat-Artus. Il est donc essentiel d’agir en amont, en évitant la prise de poids par le suivi de règles hygiénodiététiques dès le début du traitement, en se rappelant que tout ce qui est bon pour le cœur est bon pour la lutte contre le cancer ».

On observe aussi fréquemment, non pas l’apparition d’un diabète de novo qui est lui rare, mais un déséquilibre d’un diabète pré-existant.

« Le prescripteur de l’hormonothérapie doit initier immédiatement et participer à cette prévention en étroite collaboration avec le médecin traitant », indique le Pr Pierre Mongiat-Artus.

Pour autant, ce syndrome pseudo-métabolique ne semble pas en cause dans la surmortalité cardiovasculaire rapportée dans des études observationnelles chez les patients recevant une hormonothérapie. Les études pivots ayant évalué ces traitements hormonaux n’avaient pas mis en évidence de surmortalité cardiovasculaire. C’est une vaste étude de cohorte suédoise qui a montré une surmortalité cardiovasculaire, essentiellement observée au cours des six premiers mois de traitement ; elle ne serait pas la conséquence du syndrome pseudo-métabolique. « Le débat n’est pas clos, mais l’une des hypothèses avancées les plus probables est une déstabilisation de plaques d’athérome pré-existantes, par un processus immunologique », rapporte le Pr Mongiat-Artus.

En pratique, les patients qui font un événement cardiovasculaire sont majoritairement des patients qui ont déjà des antécédents cardiovasculaires au sens large.

Il est donc essentiel de dépister les facteurs de risque cardiovasculaires des patients candidats à une hormonothérapie, et, en cas d’antécédent personnel, de pratiquer les explorations complémentaires appropriées dans les meilleurs délais. Par exemple, il est impératif que le patient puisse bénéficier d’une optimisation du traitement antiagrégant en cas de plaques connues ou du contrôle d’une pression artérielle limite haute.

« Le risque cardiovasculaire ne doit certainement pas faire récuser une hormonothérapie, c’est l’indication oncologique qui prime, il faut simplement savoir rester attentif. L’essentiel est qu’un traitement hormonal ne doit être prescrit que dans le cadre de ses indications validées, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui. Des hormonothérapies sont parfois proposées après récidive d’un traitement à visée curative, alors que cela n’augmente en rien la survie, ni globale ni spécifique, ou bien chez un patient qui n’est pas jugé éligible à un traitement curatif. L’évaluation bénéfice/risque de l’hormonothérapie, comme de tout traitement est impérative », insiste le Pr Pierre Mongiat-Artus.

 

D’après un entretien avec le Pr Pierre Mongiat-Artus, secrétaire général adjoint et membre du comité de cancérologie de l’Association française d’urologie (Paris).

Pour en savoir plus : Recommandations en onco-urologie 2016-2018 du CCAFU : cancer de la prostate (actualisation prévue en novembre 2018) 
http://www.urofrance.org/base-bibliographique/recommandations-en-onco-u…

 

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin: 9673