Le coronavirus a permis de stimuler la coopération territoriale et interprofessionnelle en Alsace, pratique jusque-là trop lente qui devra toutefois se confirmer une fois la crise passée. C’est ce qu’estiment les adhérents alsaciens du syndicat MG France, qui présentaient jeudi 10 avril à la presse plusieurs expériences locales montées dans cette région très touchée par l'épidémie de Covid-19.
Dans les quartiers nord de l’agglomération strasbourgeoise, les médecins et les infirmiers libéraux ont lancé, avec l’appui du groupement régional d’appui pour l’e-santé Pulsy*, un centre Covid virtuel, avec une plateforme commune de télésurveillance des patients. Celle-ci leur envoie des autoquestionnaires quotidiens et adapte leurs interventions en fonction de leurs réponses. De même, les infirmiers se répartissent les visites à domicile pour éviter que les patients infectés se retrouvent dans les mêmes circuits que les autres.
Comme ailleurs, les médecins observent un développement de la télémédecine qui aurait été impensable il y a quelques semaines encore, même si de nombreuses entraves subsistent, y compris en matière de facturation : le Dr Élisabeth Penide déplore ainsi que certains sites de téléconsultation utilisés par les spécialistes, dont Doctolib, ne fonctionnent qu’avec une carte de crédit, ce qui est « discriminant » pour les patients qui n'en ont pas ou qui, comme dans la MSP où elle exerce, sont habitués au tiers payant total. En outre, souligne le Dr François-Xavier Schelcher, président de MG 68 (Haut-Rhin), « nous travaillons certes beaucoup en télémédecine, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit là d’un mode dégradé, qui ne peut ni ne doit remplacer la clinique ».
Capacités d'adaptation
Si beaucoup de médecins constatent une chute de leurs consultations depuis quelque temps, d’autres relativisent cette observation, notant qu’ils ne travaillent pas « moins, mais différemment », en particulier dans le Haut-Rhin, département particulièrement affecté par la maladie. Il n’en reste pas moins que beaucoup de patients chroniques ou réguliers ont déserté les cabinets, et ce renoncement aux soins, estimé à 30 % au niveau national, est « très inquiétant pour l’avenir » souligne le Dr Pierre Tryleski, président de MG France 67 (Bas-Rhin).
Globalement, constatent les deux syndicats départementaux, « l’immense majorité des cabinets de médecine générale a su activer ses connexions locales et les structurer pour répondre à l’urgence » que ce soit de façon informelle ou plus officielle dans des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
« Nous avons fait la preuve de nos capacités d’adaptation, y compris bien sûr en matière de réorganisation des cabinets, avec par exemple des filières dédiées ou des rendez-vous le jour même », ajoutent-ils en rappelant qu’ils sauront de même, demain, « poser les bonnes indications et proposer les tests à ceux qui en auront besoin ». Enfin, les deux syndicats se félicitent certes des aides et dons qui ont permis aux médecins d’obtenir les masques dont ils ont besoin, mais réclament toujours une fiabilisation de l’approvisionnement en masques FFP2 pour les soignants, de même qu’un accès étendu et rapide aux masques chirurgicaux pour toute la population.
* Groupement d'intérêt public qui réunit une centaine de professionnels de santé, directeurs et représentants de structures institutionnelles