« Le travail, c’est ma passion. Pour certains, c’est la musique ou le sport, moi, c’est rencontrer des gens et être utile », assure le Dr Bernard*, médecin en cumul emploi retraite à Royan (Charente-Maritime). C’est en 1985 que ce praticien originaire de Bourgogne, où il a d’abord exercé, pose ses valises dans cette ville de 19 000 habitants. Dès son arrivée, le praticien réalise que la moyenne d’âge à Royan est élevée : il s’inscrit à la faculté de Bordeaux pour obtenir un diplôme de gériatrie. Dans les années 2000, lorsque les Ehpad ont l’obligation d’avoir un médecin coordinateur, l’omnipraticien se tourne vers le salariat. Mais son activité ne s’arrête pas là ! Il exerce également dans une clinique en addictologie tout en continuant les consultations dans son cabinet en tant que médecin généraliste. L’omnipraticien décide de prendre sa retraite en 2015, à 65 ans, et ne démissionnera qu’en 2023 de son poste à l’Ehpad. Toutefois le médecin choisit de conserver une petite activité libérale. Un choix qu’il jugeait nécessaire pour « garder un certain niveau de vie et aider sa famille », confie-t-il.
À présent, il reçoit ses patients le lundi, le mercredi et le vendredi, de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures et le mardi uniquement le matin. Les matinées sont consacrées aux consultations, tandis que les après-midi sont réservés aux visites à domicile. Les lundis et mercredis après-midi, il passe systématiquement dans l’Ehpad où il travaillait auparavant. Cette organisation lui permet de voir 50 patients par semaine. « Pour une petite semaine, je fais ce qu’un médecin fait en un jour et demi car nous étions corvéables sept jours sur sept. Mon activité de médecin de campagne en Bourgogne m’obligeait à exercer dans un périmètre de 30 kilomètres autour de mon cabinet », explique-t-il.
Côté dépenses, Bernard loue son cabinet 1 000 euros par mois. Habitué à travailler seul, il a peu de charges, qui se résument au salaire d’une femme de ménage qui intervient une heure par semaine. « Ma secrétaire, c’est mon téléphone !, résume-t-il. Je ne veux surtout pas être connu. Je fonctionne par bouche-à-oreille. Mes seuls nouveaux patients sont des personnes qui viennent d’arriver, ou qui habitent dans mon quartier ». Grâce à ce système, ses frais d’essence sont limités à 50 euros par mois.
La cotisation à la Carmf, un vrai problème
Avec une retraite mensuelle de 2 700 euros versée par la Carmf, et un complément de 800 euros grâce à ses années d’exercice en clinique d’addictologie (23 ans jusqu’en 2015), le Dr Bernard a vite réalisé que le cumul emploi retraite était un bon compromis. Son activité de médecin lui permet de gagner 1 500 euros par semaine, dont il doit déduire 40 % de frais, soit un revenu net de 2 400 euros par mois.
En revanche, l’Urssaf lui coûte 400 euros par mois, soit 4 800 euros par an, et sa cotisation à la Carmf constitue son poste de dépense le plus important avec un total de 8 000 euros par an. Une situation qui l’exaspère : « Le scandale, ce n’est pas de payer une cotisation retraite, mais que cette cotisation ne soit pas réévaluée en termes de droits à la retraite », déplore-t-il.
« L’avantage, c’est la liberté de faire ce que je veux. J’ai une règle : je ne réponds jamais directement au téléphone. Les gens sont obligés de laisser un message ; si je trouve leur demande intéressante, je donne suite », souligne l’omnipraticien. Ce système lui permet de travailler à son rythme et de prendre le temps nécessaire pour chaque patient. La moitié de ses patients sont des nonagénaires présentant entre trois et sept comorbidités. Les consultations lui prennent parfois 15 minutes, d’autres fois plus de 30 minutes, voire une heure dans le cas de visites à domicile. « L’autre jour, trois consultations m’ont pris trois heures, sans compter le déplacement », renchérit le Dr Bernard.
« L’avantage, c’est la liberté de faire ce que je veux »
Cependant, il estime que ce tableau est assombri par la cotisation à la Carmf, qui représente l’équivalent de deux mois de salaire : « Si on veut encourager les médecins à travailler au-delà de la retraite, il faut une carotte. Si le bâton prend la place de la carotte, ce n’est pas possible. Il faudrait être exonéré de cotisation à la Carmf. » Autre problème : au-delà de 70 ans, les droits sociaux se réduisent considérablement. À ce sujet, le Dr Bernard parle en connaissance de cause. « Les indemnités journalières à partir de 70 ans sont limitées à 30 jours. J’ai eu plusieurs opérations pour des prothèses. Il faut au moins cinq semaines pour se remettre de cette opération. Pendant ce temps c’est un manque à gagner ». Ce système mis en place pour éviter les abus, le Dr Bernard le comprend bien, mais il pointe le cas de personnes honnêtes pour qui cela représente un handicap.
* Nom modifié à la demande de la personne.
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