En progrès mais peut mieux faire… Selon les dernières données de l’ANSM, la consommation de benzodiazépines en France aurait légèrement reculé en 2016. Si cette tendance est à saluer, puisqu’elle survient après plusieurs années de hausse, la surprescription de ces molécules et leur mésusage restent tout de même préoccupants.
Dans ce contexte, autorités de santé et professionnels de terrain travaillent pour améliorer les choses, comme en témoigne la plénière organisée sur ce thème pendant le congrès.
Le Collège de la médecine générale (CMG) s’intéresse au sujet depuis quelque temps déjà au travers de son groupe « médicaments ». « La première chose qu’on souhaite faire est de déculpabiliser les praticiens pour que l’on sorte du discours selon lequel les médecins français sont mauvais et prescrivent trop de benzos, explique le Dr François Lacoin, du CMG. Il faut que les choses soient claires et que l’on n’attaque plus le problème sous cet angle. »
« Le médicament du patient » Ce d’autant, que l’on sait aujourd’hui que les benzodiazépines ont une représentation sociale différente des autres médicaments, avec des prescriptions qui dépassent le domaine médical pur, dans la mesure « où elles règlent des problèmes de société ». Pour l’anthropologue Claudie Haxaire (Brest), contrairement aux autres molécules, les benzos restent « le médicament du patient » qui en a la demande et la maîtrise.
Par ailleurs, sur le plan médical, « ce sont des médicaments qui peuvent être utiles », défend le Dr Lacoin, puisqu’ils permettent de diminuer les manifestations somatiques de l’anxiété, d’améliorer les troubles du sommeil et d’aider à gérer les situations de stress aiguës.
Pour autant, « il y a un certain nombre de risques qui sont connus, et il est important d’en tenir compte ». Pour le Dr Lacoin, toute prescription doit s’intégrer dans un plan de soins personnalisé avec une vision globale du patient et de sa prise en charge. « Il est important d’expliquer les risques, de faire comprendre la nécessité qu’il y a à régler le problème de fond et de bien préciser qu’il s’agit d’une prescription ponctuelle qui doit être réévaluée rapidement. »Tout en se penchant sur les autres options thérapeutiques.
Car « il y a clairement des alternatives dont certaines sont très simples à mettre en œuvre », poursuit le Dr Lacoin, comme par exemple les mesures de type écoute empathique, les thérapies brèves d’initiation au changement, les règles d’hygiène du sommeil, les mesures de restriction du temps de sommeil, etc. D’autres techniques plus spécifiques, type TCC, hypnose, sophrologie, peuvent aussi être proposées mais cela demande une formation spécifique et pose la question du remboursement. Car « s’il y a peut-être un problème de compétence, il y a aussi un problème de prise en charge »…
La convention nouée entre le CMG et la CNAM devrait peut-être aider à avancer sur ce point. D’ores et déjà, cette collaboration a permis l’élaboration de deux fiches (l’une médecins, l’autre patient) centrées sur les primoprescriptions. « Nous avons aussi une interface avec l’ANSM », précise le Dr Lacoin. Ainsi, alors qu’il y a peu les autorités envisageaient des mesures pour contraindre les prescriptions, la tendance semble désormais au dialogue…
« Benzodiazépines, un médicament sociétal ? », samedi 1er avril
Un patient informé en vaut deux
La lecture de la notice des médicaments est un levier permettant théoriquement de sécuriser les prises médicamenteuses. Mais comment les patients les utilisent-ils dans la vraie vie ? S Mahut et al. (Montigny le Bretonneux) se sont entretenus avec des patients. Il en ressort que ceux-ci consultent la notice à l’introduction d’un nouveau traitement. Cette lecture est parfois peu compréhensible et peut être source d’angoisse. Sachant cela, le prescripteur doit être capable de devancer ces appréhensions pour favoriser l’observance et ouvrir la discussion.
S’ils butent parfois sur la notice de leurs médicaments, les patients peuvent aussi avoir du mal à saisir l’intérêt exact de leur traitement, comme le suggère l’étude conduite par N. Dunkel-Le Griel.
Ce travail souligne la difficulté des patients sous anticoagulants oraux à appréhender le risque thromboembolique, même si les trois quarts estiment que le traitement est plus bénéfique que risqué. Les patients semblent relativement méconnaître le risque lié aux cancers et à l’immobilisation/traumatisme.
"Medoczilla", vendredi 31 mars
AINS et angine, gare au phlegmon
L’utilisation d’AINS en cas d’angine ne fait pas l’unanimité. Recommandée aux États-Unis, elle est déconseillée en France. À juste titre, si l’on en croit les résultats de l’étude menée par C. Piroulas et al.(Versailles) En utilisant la base de l’Observatoire de médecine générale, ces chercheurs ont tenté de préciser la réalité du surrisque de phlegmon en cas de prescription d’AINS pour une angine. Ils ont recensé plus de 100 000 cas d’angine et 48 cas de phlegmons entre 1994 et 2009. Le risque de phlegmon avait plus que doublé en cas de prise d’AINS et plus que triplé en cas de prise de corticoïde. L’antibiothérapie n’était pas protectrice contre le risque de phlegmon.
"Medoczilla", vendredi 31 mars
"Benzodiazépines, un médicament sociétale ?", samedi 1er avril
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