La vaccination a permis le recul voire l’éradication de nombreuses maladies infantiles. Mais les acquis restent fragiles et le malaise vaccinal actuel fait craindre la résurgence de certaines pathologies.La défiance actuelle vis-à-vis des vaccins va-t-elle se solder par un scénario catastrophe dans vingt ans avec la résurgence d’épidémies actuellement sous contrôle, notamment chez le jeune adulte ? Tout dépend des taux de couverture vaccinale répondent les experts. « Si les taux de couverture vaccinale se maintiennent, les succès acquis le resteront, estime le Pr Robert Cohen, pédiatre infectiologue au Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil. Diphtérie, polio, tétanos, méningites à Hæmophilus et à méningocoque C, rougeole, rubéole congénitale, hépatite B, etc., resteront de mauvais souvenirs. »
Dans 20 ans, « les enfants d’aujourd’hui seront des adultes globalement bien protégés, renchérit le Pr Daniel Floret, président du Comité Technique des Vaccinations, en dépit de rappels vaccinaux adultes imparfaits, notamment vis-à-vis de la coqueluche où moins de 40 % des jeunes parents sont protégés ainsi que du tétanos et de la diphtérie où seuls environ 60 % des personnes de 65 ans sont à jour ».
Des taux de couverture satisfaisants
Aujourd’hui, les taux de couverture actuels tiennent peu ou prou ces maladies à distance. Par exemple, la couverture vaccinale des enfants âgés de 24 mois, nés en 2012 et ayant reçu un schéma complet avec le DTP est de 91 %, soit quasi l’objectif de santé publique de 95 % (InVS 2014). Pour la coqueluche et Hæmophilus influenzæ de type b, les taux de vaccination sont respectivement de 91 et 89 %. Autre raison d’être confiant, en 2014, la vaccination recommandée avec le vaccin Prevenar® 13 contre les infections invasives à pneumocoque a progressé (chez les moins de deux ans) pour atteindre 89 % (schéma complet) ou 97 % (une dose). La tendance est similaire pour la couverture vaccinale Rougeole-Oreillons-Rubéole (augmentation du taux d'enfants ayant reçu une seule dose : 90,5 % dans la cohorte d'enfants nés en 2012, 89 % pour ceux nés en 2008) en dépit d’une couverture vaccinale ROR deux doses toujours insuffisante (72 % au lieu des 80 % escomptés) chez les enfants âgés de 24 mois nés en 2012.
Deux points noirs cependant. Malgré sa progression, la couverture vaccinale des enfants de 6 ans contre l’hépatite B reste trop faible : elle est de 51 % versus 38 % lors de l'enquête réalisée en 2005-2006. « Ces enfants ne sont pas protégés, le virus continuera à circuler et la protection collective sera insuffisante », regrette Robert Cohen. Quant à la vaccination contre le méningocoque C, si elle gagne des points chez les jeunes enfants, elle ne décolle pas chez les adolescents et les jeunes adultes.
Le spectre du retour à l’ère prévaccinale
Qu’en serait-il en cas de taux de vaccination qui iraient en s’effritant du fait des réticences actuelles vis-à-vis du vaccin. « On risquerait de retomber dans la situation de l’ère prévaccinale », suppute Robert Cohen. « Un certain nombre de maladies est directement concerné par l’immunité de groupe, détaille quant à lui le Pr Floret . La baisse, même d’une dizaine de points de la couverture vaccinale, entraînerait une résurgence de la maladie en quelques années à peine. » Par exemple, il suffirait que la couverture vaccinale vis-à-vis d’Hæmophilus influenzæ chute de 10 % pour que se multiplient les cas d’infections en deux à trois ans à peine. La sanction serait tout aussi rapide pour la coqueluche ou encore la diphtérie : la couverture vaccinale de plus de 95 % chez les enfants est un rempart contre la réintroduction de la maladie. Une chute de cette couverture serait suivie d’une réapparition des épidémies, comme cela a été observé avec l’effondrement du système de santé en URSS après la chute du mur de Berlin en 1989.
Des poches épidémiques rémanentes
« Je ne pense pas que nous assistions à cela malgré la défiance anti-vaccin actuelle, rassure le Pr Cohen. Pour autant, une baisse de confiance avec, à la clé, un recul de la couverture vaccinale à l’origine de poches épidémiques rémanentes, n’est pas à exclure. Récemment, ce fut le cas des oreillons, de la coqueluche et de la rougeole. » Ainsi, l’épidémie de rougeole qui sévit depuis la mi-avril 2015 en Alsace. À cette date, 199 cas de rougeole étaient déclarés depuis le début de l’année sur le territoire français, dont plus de 150 cas en Alsace. « Or 92 % des personnes infectées n’étaient pas vaccinées, souligne l’infectiologue, alors même que la couverture vaccinale nationale atteint le taux satisfaisant de 95 % ! » Ce qui souligne la nécessité d’une couverture élevée à atteindre pour la rougeole du fait d’un R0 (pouvoir contaminant) entre 13 et 17 (celui de la grippe ou du SRAS est inférieur à 3, celui d’Ebola et de l’hépatite C inférieur à 2, celui des oreillons ou de la varicelle est de 10).
La situation diffère pour la coqueluche où, malgré une couverture vaccinale correcte, « il sera difficile d’éliminer des épidémies, fait remarquer le Pr Cohen, car le vaccin anticoquelucheux n’a pas la même efficacité que l’anti-rougeoleux pour prévenir la transmission de la maladie. Pour cette raison, les coqueluches tardives pourraient se multiplier et il est probable qu’un nombre supérieur de doses sera nécessaire à l’avenir pour protéger tout au long de la vie ». Néanmoins, les résurgences coquelucheuses n’auront jamais l’amplitude de celle de l’ère prévaccinale.
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