Au début des années 1990, seuls quelques pays, dont la France avec les « lois Huriet- Sérusclat », disposaient d’une législation bioéthique, concernant notamment le consentement des personnes se prêtant à des recherches. Dans les anciens pays de l’Est, qui rejoignent le Conseil de l’Europe à partir de 1991, il n’existait au contraire aucune réglementation : la rédaction d’une Convention de bioéthique, basée sur les principes des droits de l’homme, va dès lors constituer une activité majeure du Conseil de l’Europe, mais se révélera plus ardue que prévu.
Des années de débats pour un compromis
Comme le résume le Dr Octavi Quintana, alors en charge de ce dossier, « tous les pays étaient d’accord pour une éthique générale de la recherche et un renforcement des droits de patients, mais les vrais problèmes sont apparus lorsqu’il s’est agi d’aborder des exemples concrets, comme le statut de l’embryon ». Après des années de débats, opposant notamment les pays les plus « libéraux » comme le Royaume-Uni aux plus « restrictifs » comme l’Allemagne, des compromis ont été trouvés pour garantir la liberté de la recherche médicale, exception faite de quelques interdictions précises, comme la création d’embryons à des fins de recherche ou le clonage de l’être humain.
Aujourd’hui, la Convention de Bioéthique garantit le consentement des patients face aux traitements et à la recherche, le droit à la vie privée et à l’information, ainsi que la non-commercialisation du corps humain. Elle porte aussi sur l’organisation de la recherche, sur le génome humain et sur les prélèvements de tissus et d’organes. Elle a été complétée par quatre protocoles additionnels abordant de manière plus détaillée l’interdiction du clonage humain, les transplantations, la recherche biomédicale et les tests génétiques à des fins médicales.
Redéfinir le consentement éclairé
La Convention réclamait, dès son origine, une meilleure information de la population générale et la tenue de débats publics sur ces sujets : un objectif - que l’on retrouve aussi dans la législation française - atteint, puisque les sujets de bioéthique, autrefois confidentiels, constituent désormais de vrais sujets de société abondamment présentés par les médias. Toutefois, la Convention doit s’adapter aux dernières avancées de la médecine, objets d’un colloque qui a réuni, à Strasbourg, les experts des comités d’éthique nationaux membres du Comité d’éthique du Conseil de l’Europe (DH-BIO) et d’autres organismes internationaux. Ils constatent que les dispositions de la Convention sur le consentement éclairé des patients et des personnes se prêtant à la recherche, y compris lorsqu’elles sont incapables d’exprimer un avis, ne répondent plus aux questions posées par les collectes de données à grande échelle, de même que par l’irruption d’acteurs jusque-là étrangers à la santé, dont les géants de l’Internet. Le Pr Jean-François Delfraissy, président du Comité national d’éthique, estime indispensable de redéfinir la notion de consentement éclairé, d’autant plus que « le Big Data sera de plus en plus présent aux côtés du médecin », sans que le malade ne s’en rende compte. Les nouvelles technologies génomiques doivent aussi, selon lui, faire l’objet d’un encadrement éthique international, de même que la question brûlante des coûts des médicaments innovants. « Même s’ils l’ont développée, estime le Pr Delfraissy, l’innovation n’appartient pas aux Big Pharma, mais constitue un bien commun. » Enfin, il souhaite que la santé des migrants devienne un sujet éthique à part entière en Europe. Il appartiendra, dans les mois à venir, au DH-BIO, garant de la Convention, de définir ses programmes d’action futurs. Pour lui, la Convention a su « accompagner le progrès » plutôt que d’en définir des limites : une politique qui devra être poursuivie, de même que le dialogue avec toutes les composantes de la société.
(1) Signée à Oviedo (Espagne) le 4 avril 1997, et souvent dite pour cette raison « Convention d’Oviedo », la Convention s’intitule, officiellement, « Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine ».
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