Il aura fallu près de quatre ans à ce médecin généraliste marseillais pour se dépêtrer d'une affaire l'opposant à la caisse primaire (CPAM) des Bouches-du-Rhône, à l'origine d'une plainte à son encontre pour abus d'actes et fraude.
L'affaire remonte à 2013. Le médecin-conseil de la caisse locale tique au regard de la très forte activité, jugée hors normes, de ce praticien âgé de 49 ans – dont 17 à pratiquer la médecine générale au cœur des quartiers sensibles du nord de la ville. Le praticien soigne 2 493 patients dont 431 enfants. Selon les données enregistrées par la caisse lors d'une série de contrôles cette année-là, son activité moyenne est de 50 actes par jour, avec des pics à 70 actes.
À la fin de l'année 2013, la CPAM l'accuse alors d'abus d'actes et de non-respect des règles de tenue des dossiers médicaux. L'affaire est portée devant la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Corse.
Il est aussi reproché au médecin de différer la télétransmission de certains actes effectués pour des patients dépourvus de carte Vitale et de les transmettre plus tard, en même temps que la facturation d'autres actes.
Désertification médicale
Contacté par « le Quotidien », le praticien justifie son activité par la très forte demande de sa patientèle et par le manque de bras médicaux pour intervenir à ses côtés dans trois cités de cette zone de Marseille. « Les déserts médicaux n'existent pas que dans les territoires ruraux, explique-t-il. Je n'avais rien à me reprocher. »
Après un an de procédure, l'Ordre régional sanctionne le médecin d'un avertissement sans publication. Le professionnel doit aussi payer 150 euros de pénalités pour sa mauvaise utilisation de la télétransmission. Une peine somme toute légère par rapport à d'autres affaires récentes de médecins stakhanovistes.
Connu du grand public pour avoir hébergé plusieurs familles de Roms dans son ancien cabinet médical, le Dr Lamarre (Roubaix) en sait quelque chose. Un de ces confrères généralistes de Chartres, adepte des journées à 128 actes, a pour sa part été suspendu un an. Le zèle de cet autre praticien du Pas-de-Calais, oscillant entre 99 et 151 actes quotidiens lui a valu deux mois de suspension.
Pas de suractivité fautive
À Marseille, l'affaire ne s'arrête pas là. Contestant la peine initiale, le médecin-conseil passe à la vitesse supérieure en saisissant fin 2014 le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM). Une nouvelle procédure est enclenchée. Le médecin marseillais verse plusieurs pièces au dossier, dont une centaine d'attestations de satisfaction de ses patients. Le 25 mai 2016, le verdict tombe : le CNOM rejette la requête de la caisse locale et écarte le grief de suractivité fautive, reconnaissant la bonne foi du médecin.
« En l'absence de tout texte fixant une durée minimale des consultations ou des visites, le nombre élevé d'actes quotidiennement effectués par un médecin ne peut être retenu comme caractérisant un défaut de qualité des soins que si le nombre de ces actes revêt un caractère tel qu'il est possible d'en déduire qu'ils n'ont pu être matériellement réalisés ou qu'ils ont été effectués dans des conditions équivalentes à une absence de soins effectifs », écrit l'Ordre dans sa décision, consultée par le « Quotidien ». « Il n'y a pas lieu de considérer comme établi que le médecin aurait négligé de manière certaine son obligation de soins consciencieux qu'il doit à ses patients », peut-on lire dans ce même jugement.
Aujourd'hui, le médecin marseillais, toujours amer d'avoir été victime d'une « enquête à charge », veut malgré tout tourner la page. « On m'a enquiquiné pendant des années, explique-t-il. À aucun moment je n'ai rencontré le médecin-conseil à l'origine de la plainte. Selon moi, il était de mauvaise foi et les chiffres relatifs à mon activité médicale n'étaient pas les bons. À la fin du procès, on m'a dit : "Vous avez gagné." Mais je n'ai rien gagné du tout. Je ne jouais pas, je faisais simplement mon boulot. »
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