Véritable casse-tête pour de nombreux praticiens libéraux, la mise aux normes des cabinets médicaux pour les personnes handicapées a donné lieu à un bilan d'étape au congrès de la médecine générale, en présence de Marie Prost-Coletta. La déléguée interministérielle à l'accessibilité est revenue sur les dépôts des agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP).
Ces fameux agendas qui prévoient le programme et le calendrier des travaux d'accessibilité – ainsi que leur financement – devaient être théoriquement déposés le 27 septembre 2015 pour les cabinets pas encore aux normes à cette date. Une fois cet Ad'AP déposé, les travaux et le financement peuvent s'étaler sur trois ans. L'obtention d'une dérogation (refus motivé de la copropriété, classement au patrimoine…) reste une autre éventualité.
« Il est toujours possible de demander une dérogation en expliquant pourquoi on ne peut pas faire ces travaux », confirme Marie Prost-Coletta, rassurante avec les médecins. Un délai pour déposer son agenda peut également être accordé, en cas de difficultés techniques ou financières. Mais l'objectif de la loi sur l'accessibilité universelle reste inchangé. « Certains syndicats ont appelé à ne pas faire l'Ad'Ap, cela n'est pas respectable. Nous serons fermes dans les sanctions », met en garde la déléguée à l'accessibilité.
Amende forfaitaire
Les médecins qui n'ont pas déposé d'agenda (ou produisent des documents de suivi erronés) s'exposent à une amende forfaitaire de 1 500 euros. Le non-respect des obligations d'accessibilité peut s'élever jusqu'à 45 000 euros en cas de récidive. « Sachez que les décrets précisant les sanctions sont sur le bureau des ministres depuis aujourd'hui », annonce Marie Prost-Coletta. « Ils seront publiés d'ici deux à trois semaines ».
Le Dr Bruno Deloffre, médecin généraliste à Courbevoie et référent accessibilité à MG France, ne sous-estime pas les contraintes de la mise aux normes. « L'accessibilité concerne les fauteuils roulants mais aussi toutes les personnes avec des problèmes moteurs, visuels, auditifs, psychiques », souligne-t-il. « Le cabinet médical étant un établissement recevant du public de cinquième catégorie, le dispositif est toutefois allégé », explique-t-il.
Les travaux requis peuvent être de plusieurs ordres. Ceux dits « décoratifs » sont les moins coûteux – interrupteurs visibles, porte d'entrée éclairée, signalétique adaptée, barre d'appui dans les toilettes – et il y a peu de dérogations possibles.
Autres travaux, plus délicats : les couloirs et les portes doivent permettre aux fauteuils de manœuvrer ; l'interphone doit être accessible aux personnes en fauteuil ; une rampe d'accès doit être installée si nécessaire… Des dérogations restent possibles pour ces travaux plus complexes en cas d'impossibilité technique et de patrimoine architectural, mais aussi de disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences (répercussion majeure sur l'activité principale, coût déraisonnable des travaux).
Risque de découragement
Quel que soit le niveau de contrainte, la mise aux normes et son cortège de tracasseries peut conduire au découragement. « La procédure entraîne des fermetures anticipées de cabinets pour les praticiens proches de la retraite ou des refus de reprise si les travaux ne sont pas faits », insiste le Dr Deloffre. Il évoque aussi le frein à la création de nouveaux cabinets et le risque de conflits avec les propriétaires. « Il y a un risque majeur de désertification des centres urbains », prévient-il.
Au congrès de la médecine générale, plusieurs médecins ont témoigné de leur expérience. L'un invite ses confrères à se « lancer dans l'aventure, car l'accueil des patients est très valorisant en retour ». Un généraliste à Gap dénonce au contraire les pratiques douteuses ou fallacieuses de sociétés qui harcèlent les cabinets pour proposer leurs services.
Ce médecin de La Rochelle se défend d'être un mauvais élève. « Personne ne s'est jamais plaint. J'ai appelé en vain les services concernés de la Préfecture. Je veux bien faire preuve de bonne volonté mais là j'ai un peu de mal… », se désole-t-il. Un jeune installé reproche carrément au gouvernement de « tuer l'exercice libéral ».
Le gouvernement reste sur sa ligne : à l'écoute mais ferme. « Si vous ne pouvez pas faire ces travaux, exposez vos motifs par courrier », explique Marie Prost-Coletta. « Mais ça ne sert à rien de se boucher les oreilles et de fermer les yeux sur l'obligation d'accessibilité ».
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