C'est devant une salle comble de 2 000 personnes que le président de la République, accueilli par le président de la Mutualité française Thierry Beaudet, a inauguré ce mercredi le 42e Congrès national du secteur, à Montpellier, avec un discours de plus d'une heure où la réforme du « reste à charge zéro » a tenu la place essentielle.
Deux heures plus tard, Agnès Buzyn signait dans une pièce adjacente les deux derniers protocoles d'accord conduisant à la mise en place de cette réforme dans l'optique et l'audioprothèse, bouclant la boucle des négociations après l'accord sur le dentaire. Timing parfaitement orchestré.
Avec des éléments de langage bien sentis et une part d'improvisation, le chef de l'État a tenté de charmer son auditoire mutualiste, avec un certain succès. Sans être convertis, une partie des congressistes ont apprécié les efforts déployés par Emmanuel Macron pour convaincre. Les rires, les applaudissements mais aussi les sifflets et les interpellations directes ont ponctué un discours parfois clivant.
Nouvelles consultations de dépistage et interpro
« Le reste à charge zéro est une conquête sociale essentielle et un investissement que j'assume », a lancé Emmanuel Macron. Et de détailler : le reste à charge total (après remboursement de la Sécu et des complémentaires santé) des ménages français est de 8,5 %. Mais ils payent en moyenne de leur poche 43 % de leurs soins dentaires, 22 % pour l'optique, 53 % pour l'audioprothèse. « C'est 200 euros la couronne en moyenne, 65 euros la correction d'une myopie et 1 700 euros pour être équipé » en audioprothèse, a rappelé le locataire de l'Élysée.
Laissant à sa ministre de la Santé la présentation technique de la réforme (rebaptisée « le 100 % santé », formule plus positive), Emmanuel Macron s'est attardé sur les enjeux de prévention auxquels le reste à charge zéro répond, mais pas seulement.
Parmi les mesures explicitées, le gouvernement compte renforcer le dépistage des troubles visuels et auditifs par trois nouvelles consultations du médecin traitant et scolaire, remboursées à 100 %. Annoncés dans le récent plan priorité prévention (financé à hauteur de 400 millions d'euros sur cinq ans), ces trois actes (qui incluent un bilan auditif ou visuel) concernent les 8-9 ans, les 11-13 ans et les 15-16 ans. L'examen bucco-dentaire (programme Sécu M'T dents) 100 % remboursé par la Sécu une fois tous les trois ans sera ouvert aux enfants à partir de trois ans (plutôt que six), jusqu'à 24 ans.
Des évolutions de l'exercice professionnel ont été esquissées. Emmanuel Macron veut aussi « aller plus loin » sur les coopérations interprofessionnelles et les nouveaux métiers. L'élargissement du champ de compétence de l'assistant dentaire, l'évolution de deux à trois ans de la formation d'opticien et le développement des duos orthoptiste/ophtalmologiste sont privilégiés.
Quant à la tarification à l'activité ou à l'acte, elle reste « trop systématique » dans notre système de santé. Avec des effets délétères : « Si nous nous comparons, nous sommes dans un système où il y a plus d'actes inutiles et de surmédicalisation que chez nombre de nos voisins. »
Qui paye quoi ? Pas de marché de dupes...
La question du financement de la réforme du reste à charge zéro (qui se déploiera entre 2019 et 2021) n'a pas trouvé toutes les réponses. Le chef de l'État a assuré que l'assurance-maladie obligatoire mettra au pot en « doublant sa prise en charge sur les aides auditives pour les adultes d'ici à 2022 ».
Côté complémentaires santé, les contrats responsables (95 % du marché) devront « obligatoirement » couvrir ses paniers de soins 100 % remboursés. « Cette réforme ne saurait engendrer une augmentation spécifique du coût des cotisations pour les assurés. C'est l'engagement que nous avons collectivement pris et il n'y a pas dans cette affaire de marché de dupes », a assuré Emmanuel Macron.
S'il n'a pas été davantage en mesure de chiffrer le coût de la réforme, Thierry Beaudet, le patron de la Mutualité, a été prudent sur son impact financier : « Il est encore trop tôt pour en apprécier le coût. Les trois familles ont avancé des chiffres différents. Cela tient aux incertitudes sur les comportements des professionnels de santé et des Français. » « L'accord est équilibré mais beaucoup de questions restent sur le coût final et la capacité à mener la réforme sans impact sur les cotisations », a confessé pour sa part au « Quotidien » Albert Lautman, directeur général de la Mutualité.
Heureuse de la concrétisation d'un « accord historique », Agnès Buzyn estime que la réforme coûtera un milliard d'euros sur le quinquennat. « La part de l'assurance-maladie sera plus importante que celle des complémentaires », a-t-elle annoncé. La ministre a assuré qu'elle suivra « de très près » l'évolution des tarifs, « que ce soit ceux des complémentaires santé ou des produits ». Les devis en optique, dentaire et dans le secteur des audioprothèses répondant aux critères du « 100 % santé » devront obligatoirement s'accompagner du tiers payant généralisé. « Les deux réformes sont concomitantes et parallèles, nous y arriverons », a-t-elle conclu.
Financement de la dépendance fin 2019
Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé qu'une loi sur le financement de la dépendance serait votée avant la fin 2019 pour « répondre à la nouvelle vulnérabilité sociale » du grand âge. L'un des enjeux porte sur la médicalisation des maisons de retraite (EHPAD).
Concernant la transformation plus large du système de santé et le volet hospitalier de cette réforme très attendue, le chef de l'État s'est engagé à « prendre position à l'été ».
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