Pour le Pr Claude Jeandel, gériatre au CHU de Montpellier, la question ne fait pas un pli : il faut médicaliser les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
« C'est parce que l'EHPAD est un lieu de soin qu'il reste un lieu de vie », a-t-il martelé mercredi 16 septembre, lors d'une table ronde aux Assises nationales des EHPAD à Paris. Selon le PU-PH, « le niveau de soin requis des nouveaux résidents est important et très hétérogène ». Il cite à l'appui plusieurs indicateurs, à commencer par l'âge d'entrée en établissement, autour de 85 ans. Parmi les arrivants, 35 % souffrent de maladies non stabilisées et 15 % arrivent en situation aiguë, avance le Pr Claude Jeandel. « Les EHPAD ne sont pas suffisamment armés pour faire face à ces situations », conclut-il.
Présence médicale continue
Quels outils leur donner pour y faire face ? Isabelle Bilger, actuelle directrice de l'autonomie au sein de l'agence régionale de santé (ARS) Île-de-France suggère d'accroître la présence de personnel médical au sein des établissements. « Pendant la crise, le financement des médecins coordonnateurs à temps plein a été étendu, cela répond clairement à un besoin », affirme l'ancienne directrice d'hôpital. Elle insiste sur la nécessité de doter chaque EHPAD d'un médecin coordonnateur alors qu'aujourd'hui environ 30 % en sont dépourvus (voir encadré). Isabelle Bilger pose également la question de la continuité des soins. « On pourrait envisager au sein d'un groupe ou d'un territoire une permanence de médecins la nuit et les week-ends », avance-t-elle.
Le Dr Marc Bourquin, conseiller stratégique à la Fédération hospitalière de France (FHF), va encore plus loin. En plus de pouvoir accéder à une expertise médicale interne, les EHPAD doivent selon lui se doter d'une présence infirmière 24 heures sur 24, « y compris de manière mutualisée ». Au nom de la FHF, le médecin appelle les pouvoirs publics à épauler financièrement les établissements afin de recruter dès 2021 trois équivalents temps plein infirmiers supplémentaire pour 100 résidents. Actuellement, on en compte 6 pour 100 résidents. « Toutes ces idées sont sur la table depuis des années, il faut maintenant les concrétiser dans la loi grand âge et autonomie ! », exhorte le Dr Bourquin, rendu impatient par les multiples reports dont a fait l'objet cette réforme initialement prévue pour 2019, et désormais attendue au deuxième trimestre 2021.
Quel financement ?
S'il veut mettre en œuvre ces propositions, le gouvernement va devoir trouver des financements, et ce dès le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. Dans un récent rapport remis à Olivier Véran, l'inspecteur général des finances Laurent Vachey, chargé de trouver « un milliard d'euros dès 2021 et trois à cinq milliards à horizon 2024 » pour financer une cinquième branche ad hoc de la Sécu, lance quelques pistes. Il propose notamment des économies de quelques centaines de millions d'euros sur l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), une réduction d'impôt pour les résidents d'EHPAD – mesure jugée « inenvisageable » par l'association des directeurs de maisons de retraite AD-PA – et une double ponction sur le fonds de réserve des retraites (FFR) et l'association Action Logement. Si Laurent Vachey met sur la table un certain nombre de prélèvements obligatoires, notamment sur le patrimoine, il exclut l'instauration d'une deuxième journée de solidarité aux « effets incertains sur l'économie et sur l'emploi ». Ces propositions, désormais sur le bureau du gouvernement, feront l'objet de nouvelles concertations « dans les prochains mois », a annoncé la semaine dernière le ministère de la Santé.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes