Mort en exil à Sainte-Hélène, il y a deux siècles, le 5 mai 1821, Napoléon suscite toujours les polémiques voire les passions. Son bilan dans le domaine de la santé est moins controversé : après avoir rétabli l’enseignement universitaire et réorganisé le fonctionnement de la médecine, il fut même à l’origine de quelques mesures préfigurant la santé publique et l’épidémiologie.
Supprimées en 1792 au nom de la liberté totale d’exercice, les facultés de médecine furent recréées deux ans plus tard sous le nom d’Écoles de Santé en raison des ravages que causa cette mesure révolutionnaire, mais il fallut attendre 1808 pour que ces institutions redeviennent des « Facultés ». Celle de Paris, animée par une nouvelle génération de médecins, verra l’avènement de la clinique au détriment des systèmes et deviendra le centre mondial de la médecine moderne.
À ces médecins novateurs s’ajoutent des chirurgiens militaires de renom, en premier lieu Larrey et Percy. Inventeurs des « ambulances volantes » allant ramasser les blessés sur le terrain, ils sont considérés pour cela comme les pères de la médecine d’urgence. Leurs prouesses ne doivent toutefois pas masquer les insuffisances des services médicaux de la Grande Armée, mal équipés et mal administrés pour répondre à l’afflux de blessés lors de batailles toujours sanglantes. Larrey y sauva des milliers de grognards grâce à la dextérité avec laquelle il les amputait : proche des combats, la tente où il opérait se voyait de loin, car elle était « signalée » par l’amoncellement, à côté d’elles, de membres coupés qui atteignait parfois plusieurs mètres de haut…
Soins gratuits pour les plus pauvres
Si l’Empire parvient à concrétiser et financer une partie des idées généreuses de la Révolution en matière de protection sociale, il voit aussi le renforcement de la salubrité publique et le développement d’études statistiques sur les maladies et la mortalité, les « topographies médicales ». De même, les préfets de plusieurs départements chargent des médecins généralistes, moyennant un honoraire trimestriel qui leur était d’ailleurs versé très irrégulièrement, de soigner gratuitement les plus pauvres, de venir en aide aux « accidentés, blessés, noyés, brûlés et gelés », mais aussi de lutter contre le « charlatanisme ». À l’inverse, la médecine à deux classes, introduite en 1794 et reconfirmée en 1803, fait cohabiter les médecins diplômés et les officiers de santé, formés localement et aux compétences plus réduites. Elle suscita très vite l’ire des médecins, mais perdura jusqu’en 1892.
Pour sa part, Napoléon n’a jamais caché une certaine méfiance à l’égard des médecins, ce qui ne l’empêcha pas de s’entourer des meilleurs praticiens de son temps : la « Maison Impériale » disposait de huit médecins, placés sous l’autorité de Corvisart, auxquels s’ajoutaient un certain nombre de consultants. L’Empereur estimait que l’expérience était plus importante que le diplôme et comparait volontiers les médecins aux généraux, dont le seul grade ne suffit pas à gagner les batailles.
Antommarchi, le médecin des derniers jours, choisi mais détesté
Au lendemain de Waterloo et de son abdication, en juin 1815, Napoléon devra se contenter d’une équipe médicale nettement plus réduite. L’Angleterre lui assigne un médecin de marine, le Dr Barry O’Meara, qui l’accompagne à Sainte-Hélène et y devient son médecin personnel jusqu’en 1818 : il est alors révoqué puis renvoyé par le gouverneur de l’île, qui juge qu’il est devenu trop proche de son patient. Après avoir été suivi par deux autres médecins anglais, Napoléon obtient le droit d’en choisir un lui-même : sa famille engage un médecin, corse comme lui, le Dr Francesco Antommarchi, qui arrive à Sainte-Hélène en septembre 1819.
Mais Napoléon détesta ce praticien, qu’il jugeait « bête, ignorant et sans honneur ». Il lui annonça même un jour lui avoir légué de quoi s’acheter une corde afin qu’il se pende. Pourtant, Antommarchi semble l’avoir soigné de son mieux et le veilla constamment jusqu’à son dernier souffle. Comme toute sa famille, Napoléon souffrait de troubles gastriques. Conformément à ses souhaits, l’autopsie fut rapidement pratiquée par Antommarchi afin que les Anglais ne puissent s’en charger. Elle révéla une lésion gastrique ulcérée, mais c’est probablement une hémorragie gastrique massive, liée à un cancer, qui emporta l’Empereur.
De retour à Paris, Antommarchi ouvrit sans grand succès un cabinet médical, fréquenté surtout par des nostalgiques. En 1830, il participe en tant que chirurgien, à Varsovie, à l’insurrection polonaise contre l’occupant russe. À l’issue de ces événements, il s’embarque pour l’Amérique centrale et exerce l’ophtalmologie en Floride, au Mexique et à Cuba. Il meurt en 1838 à La Havane des suites de la fièvre jaune.
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