En cette journée voilée de juillet, le soleil inonde le hall d’entrée du centre hospitalier flambant neuf de Carcassonne (Aude), tout de vitres vêtu.
Des puits de lumière trouent le bâtiment comme du gruyère. Depuis sa sortie de terre en mai 2014, l’établissement, lauréat du grand prix national de l’ingénierie 2014, a rejoint le petit club des hôpitaux dits « HQE » (haute qualité environnementale), principale référence en termes d’éco-construction.
Panneaux solaires et filières de tri
Très gloutons en énergie, ouverts 24 heures/24, les hôpitaux qui veulent verdir leur pratique jouent sur plusieurs tableaux : architecture, gestions des déchets, comportements humains.
Pour se mettre au vert, le CH de Carcassonne, 475 lits, a d’abord misé sur le bâti. « La conception bioclimatique de l’hôpital a été pensée pour améliorer sa performance énergétique et réduire son empreinte environnementale, explique Philippe Casier, ingénieur spécialiste du développement durable. Avec les brise-soleil placés sur les vitres, la lumière rentre mais pas les calories. Les patients ne souffrent plus des fortes chaleurs de l’été. »
Dans le même esprit, les bureaux sont équipés de détecteurs de présence pour réduire l’électricité. Chaque nuit, entre 3 et 5 heures du matin, le parking est plongé dans le noir. Il devrait à terme s’équiper d’ombrières photovoltaïques, génératrices d’énergie en journée.
Parsemé de 500 m2 de panneaux solaires et de 2 200 m2 de végétaux chargés de récupérer l’eau de pluie ensuite recyclée, le toit de l’immeuble fait office de chaufferie d’un nouveau genre. 60 % de l’eau chaude du deuxième et troisième étage du bâtiment, consacrés à l’hospitalisation, provient de cette source d’énergie.
L’immense chaufferie à bois construite à côté du bâtiment principal complète ce dispositif innovant. Chaque semaine, trois semi-remorques y déposent des milliers de copeaux de bois en provenance de la Montagne Noire toute proche ou remplis de palettes de récupération.
Outre l’optimisation des énergies, l’établissement se distingue par sa gestion durale des déchets. Dans un bâtiment dédié, des dizaines de poubelles aux couleurs différentes s’amoncellent : produits chimiques, plombs de la médecine nucléaire, tuner d’imprimante, bouteilles plastiques, déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI), piles et batteries, éclairages… Carcassonne est encore loin du CHU de Tours, champion du tri avec 30 filières déchets, mais le chemin vert est pris...
Facture divisée par trois
Outre les effets bénéfiques pour la planète, cette stratégie de développement durable à l’hôpital a un intérêt économique. La facture de chauffage de l’hôpital de Carcassonne est passée d’un million d’euros en 2012 dans l’ancien établissement chauffé au gaz à 350 000 euros en 2015 dans le nouveau. « Le développement durable est un moyen de faire des économies autrement que sur le personnel, variable d’ajustement traditionnelle », souligne le directeur Bernard Nuytten. Plombé par un déficit de 2,3 millions d’euros, l’hôpital espère revenir à l’équilibre en 2016.
Si l’architecture « green » est une priorité forte à Carcassonne, reste à diffuser cette culture aux personnels, très préoccupés par la situation financière fragile de leur établissement. Dans les couloirs, la politique verte de la direction est parfois taxée de cache-misère. « Franchement, je m’inquiète davantage du paiement de mon salaire que du développement durable », témoigne cet aide-soignant. Trois infirmiers dénoncent les réductions d’effectifs.
Manque de formation
Côté médecins, certains craignent même que des économies d’énergie excessives ne se traduisent par une perte de chance pour les patients. Mettre en veille un bloc opératoire requiert une organisation spécifique, au même titre que la formation des praticiens hospitaliers aux pratiques vertueuses. « Il y a un vrai travail de fond à opérer sur la sensibilisation des personnels au tri et aux bonnes pratiques dans les unités de soins, confirme le Dr Sonia Lazarovici, anesthésiste, présidente de la commission médicale d’établissement (CME). Et on y va sur les dépenses médicales et pharmaceutiques ! Nous avons encore beaucoup de progrès à faire. »
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