LE QUOTIDIEN : Le Ségur de la santé est-il le moment de transformation tant attendu de l'hôpital public ?
JACQUES TRÉVIDIC : C'est encore trop tôt pour le dire. Nous n'en sommes qu'aux prémices. Il est difficile de présumer du résultat de cette concertation. À l’époque, les EGOS [États généraux de l'organisation de la santé, NDLR] de Bachelot n'avaient pas abouti à grand-chose. Plus récemment, les négociations autour du plan attractivité de Touraine ont accouché d'une souris. Aujourd'hui les circonstances sont différentes. Nul n'avait déjà vécu une telle pandémie et une pareille mise en tension du système de santé, en particulier hospitalier. Les intentions du gouvernement sont réelles. Le ministre de la Santé est absolument décidé à faire bouger les lignes. Il connaît d'ailleurs parfaitement bien l'hôpital et semble avoir des marges de manœuvre supérieures à ses prédécesseurs.
Les travaux doivent s'étaler sur sept semaines. Est-ce suffisant ?
On ne part pas de rien. Certains travaux sur la gouvernance et sur l'attractivité ont été engagés il y a un an. Ils n'ont pas abouti, notamment en raison de l'épidémie. On espère qu'ils vont pouvoir être repris et améliorés. Les premières réunions ont permis de poser un cadre de négociation. On est entré dans le vif du sujet cette semaine avec l'installation des réunions bilatérales. Si tout se passe comme prévu, un plan devra être élaboré d'ici la mi-juillet. Il faudra ensuite le mettre en musique. Mais il est évident que nous n'aurons pas des décrets, des ordonnances et des arrêtés dès le mois prochain.
Quelle est l'urgence ?
Il y a très clairement urgence sur l'attractivité des carrières, à la fois pour les personnels médicaux et non médicaux. Il y a depuis longtemps un vrai problème pour recruter et beaucoup de personnes partent dans le privé ou faire de l'intérim. L'hôpital doit être en capacité d'attirer les jeunes médecins et conserver les moins jeunes.
Sur les rémunérations, nous proposons un début de carrière de PH à 5 000 euros brut mensuel avec une progression linéaire d'un échelon de 500 euros tous les trois ans jusqu'à 10 000 euros en fin de carrière. Pour les paramédicaux, nous partageons les propositions déjà avancées par les collectifs. Nous devons rattraper la moyenne de rémunération des pays de l'OCDE. On parle de 300 euros par mois net.
Il faut aussi rapprocher l'ensemble des contraintes et des rémunérations entre le privé et le public. Pour les médecins, il n'est plus possible de constater un différentiel aussi important entre l'exercice libéral et l'exercice salarié alors que le poids de la permanence des soins repose essentiellement sur l'hôpital public.
Qu'attendez-vous du chantier ouvert sur la gouvernance ?
L'épidémie a montré la capacité des services à se mobiliser et à se réorganiser rapidement. Ce sont eux qui ont la véritable expertise de leur organisation. Il faut donc développer la gouvernance médicale, c'est un chantier extrêmement important. Prenons exemple sur les centres anticancéreux où le chef d'établissement est un médecin assisté par des directeurs administratifs qu'il choisit.
N'oublions pas d'associer les paramédicaux à la gouvernance. Une structure avec un directoire pourrait permettre d'inclure des représentants du corps infirmier. Il me semble normal qu'ils participent à l'élaboration de la décision stratégique.
Il faut revenir sur la logique délétère de la loi HPST. L'épidémie a montré que d'autres logiques pouvaient marcher.
Le gouvernement veut assouplir les 35 heures à l'hôpital. Y êtes-vous favorable ?
Les PH n'ont jamais été aux 35 heures. Quant aux personnels non médicaux, je ne pense pas que la solution soit de leur demander de travailler plus. Formons, recrutons et payons correctement les PH et les agents. Ce ne sont pas les 35 heures qui désorganisent l'hôpital mais l'insuffisance de moyens.
Toutes les nations qui ont été confrontées à cette épidémie vont devoir réfléchir à la part de richesse qu'elles veulent consacrer à la santé. En France on tourne autour de 12 % du PIB. Est-ce que c'est suffisant ? À mon avis, non. Il faut un réinvestissement important du budget de la France dans la santé. C'est un choix politique.
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