Pourquoi l’infection par le virus Epstein-Barr (EBV) entraîne-t-elle chez les jeunes adultes une mononucléose parfois sévère ? Une équipe a démontré, dans « mBio », un lien entre la gravité de cette « maladie du baiser » et les lymphocytes T mémoire qui réagissent de façon croisée avec le virus grippal A et l’EBV.
Presque tout le monde (95 %) est infecté par le virus Epstein-Barr (EBV) avant l’âge de 30 ans. Dans la majorité des cas, l’infection survient dans l’enfance et passe inaperçue. Mais l’infection chez les adolescents et les jeunes adultes entraîne, pour des raisons encore assez mystérieuses, une expansion massive des lymphocytes T CD8 et une mononucléose infectieuse (MNI) parfois sévère, avec des symptômes allant du syndrome fébrile à une affection associant angine, ganglions, hépatosplénomégalie et grande fatigue prolongée.
Réactivité croisée
Une équipe dirigée par le Dr Liisa Selin de l’Université médicale du Massachusetts à Worcester (États-Unis) a étudié des échantillons sanguins recueillis pendant une dizaine d’années chez des étudiants : 32 diagnostiqués avec une « mono » et séparés en 2 groupes selon la gravité, contre 17 témoins sains EBV-séropositifs. Les chercheurs ont constaté que les étudiants gravement affectés avaient 25 fois plus de lymphocytes T CD8 réagissant à la fois contre l’EBV et l’influenza virus A, comparés aux témoins sains EBV-positifs ; et ceux légèrement affectés avaient 10 fois plus de ces lymphocytes T à réaction croisée.
« Nous avons découvert que l’histoire antérieure d’infection grippale peut influencer la façon dont une personne réagit cliniquement à l’infection par le virus EBV, et chez les étudiants en particulier cela peut déterminer le risque de développer une maladie légère ou très sévère. Ceci est dicté par le répertoire individuel des récepteurs des cellules T (TCR) », explique au « Quotidien » le Dr Selin.
« Des cellules mémoires sont développées à chaque infection. Les lymphocytes T CD8 spécifiques de la grippe ont des récepteurs cellulaires T qui leur permettent de reconnaître un épitope grippal puis de tuer la cellule infectée ; mais ces lymphocytes T CD8 peuvent également reconnaître deux épitopes différents sur le virus Epstein Barr en raison d’une réactivité croisée », poursuit-elle.
Plaidoyer pour la vaccination antigrippale
« Chaque individu possède un large répertoire unique de TCR pour tout épitope sur un virus, à la manière d’une empreinte digitale. Le répertoire des TCR d’un individu détermine s’il aura une mono ou non. Les patients ayant une mononucléose légère ont un type de répertoire des TCR à réaction croisée qui est différent du type de répertoire chez ceux développant une MNI sévère ; et ces derniers ont en fait une plus grande expansion de leurs cellules mémoires du virus grippal A au moment des symptômes », explique encore le Dr Selin.
Le type de répertoire permettrait de prédire si un patient infecté par l’EBV développera une maladie limitée ou sévère, explique la chercheuse avant de poursuivre : « Ces résultats plaident aussi pour une vaccination chaque année par le vaccin anti-grippal conventionnel (inactivé). Il est possible qu’une personne récemment infectée par la grippe A ait beaucoup plus de cellules T CD8 réagissant de façon croisée dans les amygdales, la où se loge l’infection par l’EBV. Ces cellules mémoire seraient alors prêtes à déréguler la réponse normale au virus EBV qui le plus souvent reste asymptomatique. Le vaccin antigrippal inactivé (ou tué) ne déclenche pas de réponses des cellules T CD8 dans l'amygdale, mais induit des anticorps. Cet intérêt du vaccin reste à confirmer en surveillant la gravité de la mononucléose, voire en examinant le risque de mononucléose, entre les étudiants vaccinés et les non-vaccinés. »
Par ailleurs, on sait que EBV est associé à de nombreuses maladies auto-immunes, pour des raisons encore mal comprises. La mononucléose pourrait doubler le risque de sclérose en plaques. « C’est l'une des premières études qui démontre que le répertoire des récepteurs des lymphocytes T CD8 joue un rôle important dans l'immunopathologie au cours des infections. Cela permet d'expliquer pourquoi un virus peut induire des maladies auto-immunes chez certains individus et non chez d'autres. Cela implique que lors de la conception des vaccins, il est très important de comprendre non seulement quels anticorps sont induits mais aussi quelles sont les caractéristiques des réponses cellulaires T », précise le Dr Selin.
mBio, 6 décembre 2017, Aslan et coll.
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