Nous sommes en 1993, Je viens d’arriver à Boston pour couvrir une conférence scientifique pour la chaîne de télévision qui m’emploie alors. Je branche la télé et là, devant mes yeux fatigués du voyage mais qui trouvent encore la force d’être ébahis je vois un médecin d’un célèbre hôpital et correspondant médical en chef d’un des trois réseaux majeurs de télé de l’époque, ABC je crois.
Il parle d’un politicien de stature nationale, un sénateur. Ce parlementaire va être traité pour un cancer de la prostate et le médecin bostonien détaille le programme à venir. Mais il fait plus que cela puisqu’il détaille certaines données, comme l’évolution au cours des derniers mois du taux de PSA de celui dont je déduis qu’il doit être son patient.
Dans les quelques jours qui suivirent ce passage télévisé très inhabituel pour nous, la presse écrite locale et les grands titres US parlèrent d’une demande accrue de tests PSA, évoquèrent le fait que peu d’hommes consultaient et acceptaient le toucher rectal.
Ce qui, a priori, pouvait donc paraître presque déplacé vu de notre culture médicale, généra une demande sans doute passagère mais bien réelle dans une partie de la population américaine. Comme ce fut le cas quand on sut que Reagan avait subi une coloscopie ou encore l’ablation de deux carcinomes basocellulaires.
Transparence ou grand secret ?
Faut-il rappeler aux plus jeunes de celles et ceux qui lisent ces lignes qu’à cette époque, la France a pour Président de la République François Mitterrand. Et ce dernier a pour médecin le Dr Claude Gubler. De 1981, entrée en fonction de Mitterrand à Paris à 1991, le médecin signera chaque année un bulletin de santé officiel attestant de la parfaite santé du chef de l’État. Puis en 1992, on apprendra que les Prs Ady Steg et Thierry Flam ont opéré à l’Hôpital Cochin, à Paris, le président pour un cancer de la prostate.
La réalité c’est que ce cancer avait été découvert au stade métastatique avant l’élection de mai 1981. La rumeur en fut confirmée par le Dr Gubler lui-même qui, huit jours après le décès de François Mitterrand, la confirma dans un livre.
Faisons abstraction de tout jugement politique et considérons la situation à la fois médicalement et vis-à-vis de ce que les patients peuvent penser. Voici donc un homme avec un cancer métastatique qui va de 1981 à 1993 – la suite est plus problématique — mener deux campagnes électorales, vivre deux cohabitations, diriger un pays avec en 1983 une terrible crise financière. Devoir prendre quotidiennement des décisions, faire des choix lourds de conséquences.
Combien de femmes et d’hommes dans ce pays se trouvent ainsi confrontés à ce genre de situation. Artisans, commerçants, professions libérales, qui ont à gérer une vie professionnelle et une vie familiale en supportant le fardeau de la maladie. On devrait les admirer, ou tout au moins saluer leur courage, mais la plupart du temps ils n’ont d’autre choix que de taire la vérité, de cacher les choses. De peur que des clients ne les lâchent, que des banques ne les abandonnent, qu’on les regarde comme s’ils ne pouvaient pas s’en sortir.
Les gens connus ont droit, comme tout un chacun, au secret médical et au respect de leur vie privée, mais ils peuvent aussi avoir un rôle modèle.
Retour en novembre 1986 et au décès à 34 ans de Thierry le Luron imitateur et showman doué d’un immense talent. À l’époque la rumeur disait que sa mort était liée au virus VIH, responsable du sida. Son médiatique médecin, le Pr Léon Schwartzenberg menaça alors la terre entière de procès. Il affirma, violant au passage le secret médical, et en mentant, que le jeune humoriste était mort d’un cancer du poumon.
Nous étions dans les premières années de la pandémie liée au VIH, les connaissances étaient encore loin d’être définitives, la discrimination, l’exploitation politique, les « sidaïques » de Le Pen père, les peurs, tout cela faisait peser un climat lourd qui laissait peu de place aux discours de prévention.
En niant la réalité, en en faisant une maladie honteuse, Schwartzenberg avait-il participé de l’information du public ?
Je ne le crois pas.
Entre tout étaler et tout nier, il y a une position médiane. Toutes les causes ne méritent pas forcément un engagement, mais quand Michael J. Fox, le Marty Mc Fly de "Retour vers le futur" a dévoilé être atteint de la maladie de Parkinson, il a permis qu’on regarde autrement les personnes atteintes que comme des gens apparemment ivres dans leur vie quotidienne. C’est toujours mieux que de voir une photo de Catherine Deneuve après son AVC une cigarette à la main.
Exergue : Entre tout étaler et tout nier, il y a une position médiane. Toutes les causes ne méritent pas forcément un engagement
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