Ces dernières années la consommation d'opioïdes a largement augmenté aux États-Unis avec à la clé une hausse alarmante des abus et des décès. Qu'en est-il en France ? Pour y répondre une analyse de la base de données de l'Assurance-maladie issue de l'Échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB) a été réalisée sur les années 2004-2015. La prévalence de l'utilisation d'opioïdes a été estimée en fonction du nombre de patients ayant eu au moins un remboursement dans l'année. Pour estimer le mésusage, ce travail a aussi cherché à détecter les attitudes dites de «doctor shopping», le critère étant le chevauchement d'ordonnances rédigées par au moins deux médecins différents avec une délivrance dans plus de trois pharmacies différentes.
Baisse de 10 %
Entre 2004 à 2015, la prévalence de l'utilisation des opioïdes antalgiques a baissé de 10 %, passant de 19,1 % en 2004 à 17 % en 2015. Cette réduction est la conséquence d'un moindre recours aux opioïdes faibles qui a reculé de 12 % durant cette même période (19,1 % vs 16,8 % en 2015). Dans le même temps le recours aux opioïdes forts a augmenté de près de 75 %, de 0,54 % à 0,95 % en 2015, mais il reste faible. Cette augmentation n'est pas liée aux seules douleurs cancéreuses : le recours aux opioïdes forts hors douleurs cancéreuses à lui-même augmenté de 71 %, (de 0,17 % en 2004 à 0,29 % en 2015)
Le «doctor shopping» tend à reculer pour les opioïdes forts (de 0,72 % à 0,33 %). En revanche il a progressé pour les opioïdes faibles (de 0,08 % à 0,13 %). Parmi les facteurs de risque de ce mésusage : la jeunesse, le sexe masculin, la précarité, les troubles psychiatriques, les antécédents de troubles liés à l'utilisation d'opioïdes et la co-utilisation de benzodiazépines. La mortalité associée à ce «doctor shopping» a légèrement décru pour les consommateurs d'opioïdes forts. Elle est restée stable pour ceux consommant des opioïdes faibles.
Sans surprise, suite au retrait du dextropropoxyphène la consommation d'opioïdes faibles a donc reculé en France entre 2004 et 2010. Et globalement, malgré un accroissement de la consommation d’opioïdes forts mais aussi faibles, la consommation globale d'antalgiques opioïdes a, quand à lui, diminué. Le «doctor shopping», reste faible avec une mortalité réduite. Ceci est à mettre en rapport avec les conditions de prescription et de délivrance particulièrement strictes des opioïdes forts en France. Les efforts doivent toutefois être maintenus.
D'après Chenaf C. et al. Poster P-068
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