Quelques mois après sa prise de fonction avenue de Ségur, Agnès Buzyn avait fixé l'objectif de 70 % de chirurgie ambulatoire à l'horizon 2022. Auditionnés dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale (MECSS), médecins et directeurs ont identifié les freins à lever pour atteindre ce taux. En fonction du type d'établissement, les difficultés rencontrées sur le terrain peuvent changer du tout au tout.
Avec 60 % de chirurgie ambulatoire sur l'ensemble du secteur MCO (médecine, chirurgie, obstétrique), le CHU de Lille pourrait avoir atteint sa limite. Selon Frédéric Boiron, son directeur général, une part incompressible de l'activité se fera toujours en hospitalisation traditionnelle, en raison du volume d'activité et du niveau de technicité élevé des actes pratiqués. « Il est difficile de dire que nous atteindrons 70 % de manière stable », en déduit le responsable lillois. En poussant la réflexion, le Pr François-René Pruvot, président de la commission médicale d'établissement (CME), s'interroge sur le rôle que peuvent avoir les CHU dans le développement de ces prises en charge sans nuitée. Le chirurgien en vient à la conclusion qu'ils doivent avant tout formuler des recommandations scientifiques plutôt que viser un volume cible d'activité. « Les CHU doivent tracer des routes dans des prises en charge qui au départ ne sont pas celles de l'ambulatoire », résume le Pr François-René Pruvot.
La question clé des effectifs
Le taux de 70 % visé par le gouvernement (contre 57,6 % en 2018) est-il atteignable dans les établissements plus modestes ? « Pas à moyens constants », prévient le Dr Marc Bernard, président de la CME du CH de Saint-Quentin (Aisne). Pour l'anesthésiste, l'essor de la chirurgie ambulatoire reste limité en raison du manque de postes de soignants dans son établissement. Constat partagé par Francis Saint-Hubert, président de la conférence nationale des directeurs de centre hospitalier (CNDCH). Le manager vendéen l'assure, « davantage que les locaux, c'est la question des effectifs médicaux et paramédicaux qui est le problème essentiel ». De fait, les recettes « trop fluctuantes » des actes de chirurgie ambulatoire ne permettent pas aux établissements les plus fragiles de dégager une marge suffisante pour recruter. Or, le développement de cette pratique nécessite de « revoir toute l'organisation », rappelle le Dr Bernard, ce qui réclame des investissements initiaux.
L'ambulatoire peut parfois pâtir d'une mauvaise image. À force de mettre en avant les économies engendrées, « l'ambulatoire finit par être assimilée à une chirurgie low cost, explique Francis Saint-Hubert. Ce n'est pas comme ça qu'on va accompagner les équipes à changer leurs pratiques ».
À Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), le Dr Antoine Rogeau pense avoir trouvé la solution. L'anesthésiste a participé à la création d'un pôle de chirurgie ambulatoire au sein du centre hospitalier mais avec des chirurgiens libéraux. Selon lui, « ce partenariat public-privé a permis de sauver un hôpital qui battait de l'aile » en y faisant venir des médecins du Mans, à 70 km. Malheureusement, ce praticien doute du caractère reproductible de ce schéma d'organisation. La faute à une administration trop rigide qui empêche le développement de tels partenariats. Le praticien peste contre « un manque de soutien politique » qui rend l'aboutissement de ce genre de projets dépendant d'un ou plusieurs « leaders » locaux. « Si on ne se bouge pas, on nous laisse mourir », résume-t-il.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes