C'est l'une des « réussites » saluées par Emmanuel Macron lundi dans son allocution aux Français. Depuis le début de la crise sanitaire, « les coopérations inédites entre l'hôpital, les cliniques et la médecine de ville » comptent, avec « le doublement du nombre de lits en réanimation » et « le transfert de patients », parmi les victoires de la bataille contre le Covid-19.
Depuis le déclenchement, mi-mars, du plan blanc maximal dans les établissements sanitaires, hôpitaux en première ligne et cliniques en renfort se sont mis en ordre de marche – les premiers disposant de 4 250 lits de réanimation et les secondes de 260. Principale mesure : la déprogrammation des opérations non urgentes pour augmenter la capacité de soins critiques.
Le privé à but lucratif a ainsi déprogrammé 100 000 interventions au bloc par semaine et a musclé ses unités de surveillance continue et de soins intensifs afin d'atteindre l'objectif de « 4 000 lits armés » de réanimation annoncé par le président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) Lamine Gharbi.
Réorganisation interne
Dans le Grand Est, le nombre de cliniques autorisées par l'ARS à traiter des patients Covid lourds est passé de quatre à huit (de 36 à 120 lits). 700 lits d’hospitalisation et places en soins critiques ont été libérés par les cliniques bretonnes, qui ont aussi envoyé en Île-de-France et dans l'Est une centaine de médecins (réanimateurs, urgentistes) et infirmiers volontaires, des respirateurs et des médicaments. En Occitanie, toutes les cliniques toulousaines soignent entre trois et cinq patients ventilés – pour certains transférés du CHU de la ville mais aussi de l'hôpital de Mulhouse.
Au fil des jours, les groupes de cliniques ont rivalisé de solidarité. Les deux géants du privé Ramsay Santé et Elsan ont multiplié par trois leur parc de réa. Le 7 avril, 46 établissements MCO de Ramsay Santé soignaient déjà 1 250 patients Covid dont 350 en réanimation. Elsan a « fait monter de façon massive » des infirmiers et médecins volontaires de Nouvelle-Aquitaine vers Mondor et Beaujon, deux hôpitaux franciliens de l'AP-HP, ainsi que dans l'Oise. Dans les régions les plus touchées, « la coopération des cliniques est totale et notre mobilisation à 200 % », affirme Thierry Chiche, président d'Elsan.
« On traîne nos savates »
Cette collaboration cache des blocages locaux qui ont été dénoncés par les praticiens libéraux eux-mêmes, volontaires mais parfois désœuvrés après l'arrêt d'activité imposé. Deux cas de figure ont exaspéré : le non-recours aux cliniques pour cause de « doctrine anti-privé » et celui par manque de volonté. Dans le Grand Est, les médecins libéraux ont déploré un « retard à l'allumage ». « Sans faire de procès d'intention, la coopération avec les hôpitaux ne s'est pas faite naturellement. Il a fallu que l'ARS crée une coordination territoriale ad hoc pour que les hôpitaux du Grand Est se délestent de leurs patients vers nos cliniques », confie le président de la FHP Grand Est, Patrick Wisniewski.
Si le parc de réa privé a finalement été sollicité – jusqu'à quasi 100 % d'occupation –, les images de patients transférés par avion militaire et trains spéciaux ont choqué, alors que des bras et des lits étaient libres. « Nous sommes étonnés, heurtés, de voir des transferts vers d’autres régions alors que, localement, des équipes sont préparées et en capacité de prendre en charge ces patients », a tonné le syndicat Avenir Spé, qui a réclamé début avril à l'État (avec les anesthésistes libéraux du SNARF) de réquisitionner les cliniques.
Président de la commission médicale de la polyclinique (Elsan) de Cabestany, le Dr Jean Mané résume le sentiment de « gâchis » de plusieurs confrères : « On nous a demandé de nous préparer à récupérer les patients un peu urgents et non Covid de l'hôpital de Perpignan puis d'ouvrir 12 lits de réa pour les Covid que l'hôpital arrive finalement à gérer. La moitié de la clinique est bloquée et nous, on traîne nos savates sans trop savoir quoi faire. »
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