En imposant un avortement thérapeutique, puis une stérilisation, à une jeune fille mineure pour des raisons de santé publique, la Ricardie a-t-elle violé la Convention européenne des Droits de l’Homme ?
Régulièrement saisie d’affaires de ce type, la Cour de Strasbourg est souvent amenée à évaluer la conformité des actes médicaux à l’aune de ces droits : dans le cadre d’un concours européen de plaidoiries, elle a invité 30 équipes de jeunes juristes à s’affronter sur cette question. Pays signataire de la Convention européenne des droits de l’homme, mais volontairement introuvable sur toutes les cartes de géographie, la Ricardie occupe, chaque année, le banc des accusés pour ses violations réelles ou alléguées de la Convention, que ce soit en matière de justice, de famille ou d’éducation.
Fin de vie, PMA, GPA…
Organisé sous l’égide de l’Institut international des droits de l’homme, du Conseil de l’Europe et de la Faculté de droit de Strasbourg, le Concours René Cassin permet aux étudiants en droit francophones de s’affronter autour d’un cas pratique, comme le feront plus tard ceux qui deviendront juges ou avocats. Par la variété de ses thèmes et de sa jurisprudence, la Cour de Strasbourg offre un cadre idéal pour de telles plaidoiries. Comme le rappelle Peggy Ducoulombier, professeur de droit public à Strasbourg et présidente du jury, la Convention européenne des Droits de l’Homme n’institue pas de « droit à la santé », mais est régulièrement invoquée dans de nombreuses affaires portant en particulier sur la fin de vie, l’avortement et la stérilisation, mais aussi la PMA et la GPA, ainsi que la conservation des embryons et des données médicales. « Elle concerne moins quotidiennement les médecins que les arrêts de la Cour de Justice de Luxembourg, qui portent souvent sur le cadre professionnel et l’exercice, mais influe beaucoup plus fortement sur la législation, notamment en matière de bioéthique », rappelle-t-elle. Les articles les plus souvent invoqués dans le cadre de la santé portent notamment sur le droit à la vie (art.2), l’interdiction de la torture et des traitements dégradants (art.3), le droit à la liberté et à la sûreté (art.5) et le droit au respect de la vie privée et familiale (art.8).
Bruges contre Aix-Marseille
En outre, et bien qu’elle ne soit pas opposable devant la Cour, la Convention d’Oviedo, dite Convention européenne de bioéthique, nourrit, elle aussi, la jurisprudence européenne dans ces domaines. Il était donc logique qu'une affaire portée contre la Ricardie concerne la santé, et ce d’autant plus que l’Institut international des droits de l’homme consacre, cette année, sa session d’enseignement annuelle à ce sujet. Lors des plaidoiries, les intérêts de la jeune fille étaient représentés par une équipe du Collège d’Europe de Bruges, tandis que ceux de la Ricardie étaient défendus par des étudiants de la Faculté d’Aix-Marseille. Bruges a su montrer que les moyens employés par la Ricardie pour combattre une épidémie entraînant des malformations dramatiques des fœtus portés par des femmes contaminées avaient violé les articles 2 et 3 de la Convention, en dépit du consentement des parents de la jeune fille et des arguments de santé publique et d’intérêt général avancés par ce pays. De plus, un vaccin a été mis au point quelques mois après le début de l’épidémie mais, en le réservant d’abord aux seuls couples hétérosexuels désireux de procréer, la Ricardie a discriminé les homosexuels et violé ainsi l’article 14 de la Convention. Deux heures de plaidoiries solennelles dans la grande salle d’audience, un fort bel exercice de style et peut-être un jour, pour certains de ces étudiants dont les plus avancés sont en quatrième année, une envie de se spécialiser pour de bon dans le droit de la santé… qui ne cesse lui non plus de progresser et de se développer.
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