Que peut comprendre et penser un non spécialiste de l'actuel débat sur l’obligation vaccinale ? C’est troublant, très troublant, cette lecture régulière des tribunes, avis, oppositions acharnées sur l’obligation vaccinale, émis par des personnalités parées de titres et de responsabilités éminentes, dans un journal se consacrant à la médecine et à ceux qui l’exercent. Et pour moi qui ne suis ni médecin (mais hospitalier), ni scientifique mais pense que la médecine est une science, certes inexacte et imparfaite mais une science quand même, qui avance et progresse par l’expérience et par les preuves, de lire des argumentations qui ont (presque !) toutes leur valeur ou leur intérêt et les voir déboucher sur des positions radicalement différentes sur un sujet finalement simple : faut-il en passer par l’obligation pour atteindre un objectif nécessaire de santé publique sur lequel par ailleurs chacun semble s’entendre ?
Si je suis sensible à l’argument de la recherche constante d’autonomie du patient et son rôle décisif dans les décisions concernant sa propre santé, j’ai compris que la vaccination n’était finalement pas un sujet individuel mais collectif. Si je conçois que les décisions en matière de soins aux enfants ne puissent se prendre sans leurs parents, qu’en est-il de la vaccination et des conséquences qu’elle engage ? J’ai eu 3 enfants et j’espère avoir pris pour eux les meilleures décisions. De là à dire que j’ai su chaque fois quoi faire sans interrogation ni inquiétude et que chacune d’entre elles n’a eu que les effets prévisibles et espérés sur leur vie actuelle et future serait présomptueux.
J’ai compris que la couverture vaccinale n’était certes pas si loin des 95 % recherchés pour son efficacité maximale mais qu’on l’atteignait trop tard (en termes d'âge des enfants) pour certaines des maladies visées pour vraiment obtenir la protection attendue. Si notre système de santé souffre de bien d'autres maux, la solidarité auxquels nos concitoyens sont attachés est perçue comme un ensemble de droits collectifs, moins souvent comme une responsabilité collective.
Depuis plusieurs années je me fais vacciner contre la grippe (qui n'est pas concernée par l’obligation vaccinale). Je ne suis pas en contact avec des patients, j’ai moins de 50 ans et à ma connaissance sans facteurs de risque identifiés, maladie chronique etc. Je le fais pour deux raisons (les mêmes qui me font régulièrement aller donner mon sang).
Je dirige des équipes que j’invite moi-même à se vacciner. J’imagine mal un responsable politique ou managérial donnant des consignes et ne pas donner l’exemple, quels qu’en soient les risques (auquel en l’occurrence je ne crois guère).
J’ai compris qu’on ne se vaccinait pas pour soi mais pour les autres. Dans un monde où chaque jour nous constatons combien il est difficile de mobiliser pour le bien du collectif, où chacun semble penser à son propre confort d’abord, j’accepte l’idée qu’on m’oblige à faire un acte concret pour les autres et je pense que l’État est pleinement dans son rôle lorsqu’il nous l’impose pour le bien de tous. Faire ce qu'on ne sait plus faire : transformer une peur pour soi ou pour les siens (qui est par ailleurs légitime) en confiance envers les autres : je le fais pour eux, ils le feront pour moi.
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