Les capacités de réanimation françaises peuvent-elles atteindre 10 000 lits « dans les prochains jours » ? C’est en tout cas ce qu’a fixé Emmanuel Macron, qui a même réclamé « un effort des soignants » en ce sens lors de son allocution mercredi 31 mars.
« Pour augmenter encore le nombre de personnes pouvant être accueillies en réanimation sans trop déprogrammer, ils [les soignants] sont et seront appuyés dans les prochains jours par des renforts supplémentaires, a assuré le président de la République. Le nombre de lits en réanimation a déjà été porté à 7 000. Je veux ici remercier les étudiants en médecine, les retraités, le service de santé des armées, tous les volontaires de la réserve sanitaire : tous seront mobilisés de manière accrue pour porter dans les prochains jours notre capacité à un peu plus 10 000 lits, en particulier aussi avec l’ouverture de nouvelles capacités d’accueil dans certains hôpitaux parisiens. »
Plus de 5 000 patients atteints du Covid-19 occupent actuellement des lits de réanimation – ce qui fait redouter à certains médecins une logique de triage.
L’objectif serait, selon Emmanuel Macron, d’en accueillir davantage encore, tout en gardant des lits disponibles pour les patients non Covid. Un objectif jugé possible par les syndicats de médecins anesthésistes-réanimateurs du public comme du privé et par les fédérations hospitalières, joints ce jeudi par le « Quotidien », mais au prix d’efforts considérables.
Personnels fatigués
« Passer à 10 000 lits de réanimation, en théorie c’est faisable, mais est-ce souhaitable ? Cela voudrait dire que toutes les régions sont touchées au plus fort. Je ne pense pas qu’on y arrivera, et je pense qu’Emmanuel Macron ne le croit pas non plus. Malgré le manque de doses, la vaccination devrait fonctionner d’ici là », lance d’emblée le Dr Étienne Fourquet, président du Syndicat national des anesthésistes-réanimateurs de France (SNARF, libéraux). D’autant que les durées de séjour en réa ont baissé depuis la première vague. « Les patients sont gardés moins longtemps, on utilise plus l’oxygénothérapie et moins l’intubation, car on connaît mieux la maladie qu’il y a un an », assure-t-il.
Si le nombre de lits grimpait jusqu’à 10 000, le ratio d’infirmières disponibles pourrait toutefois poser problème, nuance le Dr Fourquet, médecin à la clinique du Val-d’Ouest, près de Lyon. « Après un an de Covid, les personnels sont fatigués, certains ont démissionné, et ils n’ont pas envie de retourner au front, d’autant qu’ils sont moins soutenus par la population. »
Pousser les murs
Pousser les murs ne devrait pas être impossible dans le secteur public. « On peut toujours tout faire, avance le Dr Anne Wernet, présidente du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHARe), mais ce sera au sacrifice des autres activités ! » La praticienne du centre hospitalier de Perpignan s’inquiète des déprogrammations massives qui s’annoncent et « hypothèquent l’avenir » de patients notamment en chirurgie ou aux urgences.
Cette montée en charge se fera en outre « au prix de l’épuisement des soignants déjà exténués par le nombre d’heure supplémentaire qu’ils réalisent », alerte-t-elle. La syndicaliste juge « méprisantes » les paroles du chef de l’État qui demande un nouvel « effort » aux soignants après un an d’épidémie et la « catastrophe » du Ségur.
Valletoux (FHF) réclame le soutien du privé, « on fera le job » répond la FHP
Pour le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux, l’objectif de 10 000 lits est « atteignable dans la mobilisation générale », confie-t-il ce jeudi au « Quotidien ». Mais avec déjà 5 000 patients Covid en réa, « on part d’un point déjà très haut, il faudra que tout le monde participe aux efforts ». Selon lui, lors de la première vague, le secteur public a déprogrammé « quasiment six fois plus que le privé » et a accueilli 83 % des patients Covid en réanimation. « Si tous les acteurs sont mobilisés et libèrent des forces pour l’épidémie, cela permettra à l’hôpital de moins déprogrammer. »
Il y a un an, lors de la première vague, jusqu’à 8 000 lits de réa avaient été armés sur le territoire. Si un retard à l’allumage avait pu être constaté dans le secteur privé, faute de matériel, ce risque n’est plus à craindre aujourd’hui. « On espère ne pas avoir à armer 10 000 lits mais si le contexte sanitaire le nécessite, on fera le job, on sera présent », promet Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). Le responsable affirme que les cliniques sont capables d’ouvrir « 2 500 lits de réanimation et même plus sur l’ensemble du territoire » et dit avoir « encore une marge de déprogrammation ».
Le patron de la FHP se pose toutefois la question des indemnisations qui seront versées aux médecins du secteur privé en cas de déprogrammations massives. « Le dispositif est acté mais n’est pas suffisant, je demande que les médecins qui sont obligés d’arrêter leur activité de bloc opératoire soient compensés à l’euro près. »
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