Quelle est votre stratégie de sortie du confinement ? Êtes-vous capable de rassurer les soignants et les malades sur la disponibilité des médicaments pour éviter la rupture de prise en charge ? Quand avez-vous commandé les masques ? Avons-nous suffisamment de tests pour le déconfinement ?
Durant trois heures et vingt minutes, le Premier ministre, Édouard Philippe, et son ministre de la Santé, Olivier Véran, ont dû s'expliquer mercredi soir devant la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la gestion du Covid-19. Si les questions ont été posées sur un ton plutôt courtois (par 26 députés de tous bords et par visioconférence), tous les sujets polémiques du moment ont été abordés.
Course mondiale aux masques
Les interrogations ont rapidement ciblé la gestion et la distribution contingentée des masques. Depuis le début de la crise, la polémique sur la pénurie des moyens de protection des soignants ne cesse pas. Il est notamment reproché au gouvernement de n'avoir pas anticipé assez tôt les commandes de masques. Droit dans ses bottes, Édouard Philippe affirme avoir passé des commandes « le 30 janvier, le 22 février, le 26 février de plusieurs millions de masques ». « Cela nous a permis de compléter le stock d’État de 117 millions de masques chirurgicaux », dit-il.
Olivier Véran a fait valoir que ces difficultés d’approvisionnement en moyens de protection touchent tous les pays, dans un contexte de course mondiale aux masques. « Tous ces pays se sont tournés vers le principal producteur, la Chine dont les usines ont été fermées depuis deux mois », dit-il. Il a répété que la France avait commandé « plus d'un milliard et demi de masques en France et à l'étranger ».
L'alerte des CHU
L'ambiance s'est refroidie sur la question des pénuries de médicaments indispensables en réanimation. Citant un courrier de huit CHU européens qui ont donné l’alerte sur le risque de rupture de stock du curare, de la morphine ou du midazolam « d’ici à deux semaines », le député socialiste Boris Vallaud a demandé des précisions sur l’état des stocks et la capacité de mobilisation des moyens de production en France. « C'est aujourd'hui le sujet sur lequel la concentration est la plus vive et sur lequel nous attachons le plus d'importance, a répondu Édouard Philippe. Nous avons de quoi tenir durablement mais comme personne ne sait aujourd'hui combien de temps le pic ou le plateau va durer, nous savons que nous devons faire attention. »
La députée de la France Insoumise, Mathilde Panot a rebondi sur ce thème. « Qu'attendez-vous pour réquisitionner tous les moyens de production pour produire ces médicaments indispensables ? » Là encore, le chef du gouvernement a rappelé le contexte mondial d'explosion de la demande. En quelques semaines, le recours a augmenté de 2 000 % pour certaines molécules. Toutes les chaînes possibles de production françaises sont activées. La stratégie est « de grouper les commandes au niveau national et d'utiliser la puissance de la diplomatie française quand les commandes sont à l'étranger ».
Sur les médicaments indispensables, la cellule de crise du ministère s'attelle à un bilan des stocks disponibles auprès des entreprises pharmaceutiques, des grossistes répartiteurs, des pharmacies à usage d’intérieur des établissements publics et privés. « Au sein des agences régionales de santé, des agents sont chargés d'appeler chaque hôpital pour connaître les besoins », s'empresse d'ajouter Olivier Véran. Par ailleurs, une « cellule de veille et d'alerte est en place pour réapprovisionner en urgence les établissements qui en auraient besoin ».
Déconfinement progressif
Plusieurs députés ont voulu connaître la stratégie de déconfinement de l'exécutif. « Il dépend dans sa réalisation d’éléments dont nous ne disposons pas aujourd’hui entièrement », a avoué Édouard Philippe. L’existence ou non de traitements éprouvés, la capacité de la France à les produire dans les bonnes conditions et la proportion de la population immunisée sont autant de paramètres incertains.
Pour l'heure, la stratégie reste toujours de limiter le nombre de cas sévères pour ne pas saturer les réanimations. « Cet indicateur est décisif. Il est donc probable que nous ne nous acheminons pas vers un déconfinement qui serait général », a annoncé pour la première fois le chef du gouvernement qui promet la présentation d’une « stratégie de déconfinement dans les jours, les semaines à venir ».
Tester, tester...
Le député LR Damien Abad a rétorqué que la clé du déconfinement sera la capacité française de multiplier les tests. « Comment rattraper le retard de la France par rapport à l’Allemagne ? ». Édouard Philippe se dit toutefois prudent sur les chiffres donnés outre-Rhin, selon lesquels l'Allemagne effectuerait 500 000 tests par semaine. « Il peut y avoir un décalage entre ce qui est fait et l’objectif affiché », suggère-t-il. La stratégie hexagonale est en tout cas d’augmenter fortement le nombre de tests. « On était à 5 000 tests (PCR) par jour et on va arriver à 20 000 tests par jour à la fin de cette semaine. »
La mission d'information aura rendez-vous chaque mercredi ou jeudi par visioconférence, avec dès la semaine prochaine, l'audition de la garde des Sceaux et du ministre de l'Intérieur.
À la mémoire de notre consœur et amie
Dérives sectaires : une hausse préoccupante dans le secteur de la santé
Protection de l’enfance : Catherine Vautrin affiche ses ambitions pour une « nouvelle impulsion »
Dr Joëlle Belaïsch-Allart : « S’il faut respecter le non-désir d’enfant, le renoncement à la parentalité doit interpeller »