« Les conditions d’exercice sont très difficiles en France, a fortiori dans les banlieues ». Le Dr Thomas Cartier sait de quoi il parle. Installé depuis trois ans à Bobigny, après plusieurs années en banlieue parisienne, ce jeune généraliste de 34 ans vit au quotidien les difficultés d’exercer son métier. Lundi dernier, en fin de matinée, il est la cible d’une agression qui dépasse ce qu’il avait connu jusqu’à présent.
« Un caïd a fait irruption au cabinet en exigeant que j’examine sur-le-champ son enfant d’une dizaine de mois, raconte le Dr Cartier. Il hurlait qu’il venait de casser la gueule à un généraliste qui avait refusé de le faire. »
Le médecin tente alors de temporiser et propose un rendez-vous en début d’après midi. La tension monte de plusieurs crans. « Il a commencé à être encore plus menaçant, nous a menacés de mort, il s’est rapproché, le poing tendu, prêt à frapper… Alors j’ai cédé. Je voulais protéger mon externe, je ne voulais pas qu’elle se prenne un mauvais coup. » Le médecin a bien tenté de faire intervenir la police, avant de se raviser devant les menaces de son agresseur : « Il nous disait qu’il nous retrouverait dans la cité et qu’il nous casserait la gueule… Et je crois qu’il l’aurait fait. »
Exil en Nouvelle-Zélande
Le soir même, le médecin fait le récit sur Twitter de cette violente altercation, suscitant de nombreux soutiens de la part de ses confrères.
Pour avoir déjà du esquiver des coups portés au visage en consultation, je comprends une partie de ce que tu ressens. Tout mon soutien.
— Jedi (@Docjedy) 6 mars 2018
Contacté par le « Quotidien », le médecin relativise, même s’il se dit très affecté sur le plan personnel par cette affaire. « Ce que j’ai vécu, ce n’est rien par rapport à d’autres situations. Cette semaine, un centre de loisirs a été attaqué à Saint-Denis. Des gens se sont fait tabasser ! », s’indigne le généraliste.
Il avoue s’être senti pris au piège ce lundi matin. « Ça fait trois ans que j’éduque mes patients à la prise de rendez-vous. Et là, il a suffi que quelqu’un gueule un peu plus fort pour avoir gain de cause… ça remet en question tout ce que j’ai fait jusqu’à aujourd’hui. »
Cette agression n’est que le point culminant d’une série d’incivilités en tout genre. Dégradations, toilettes bouchées, détritus dans la salle d’attente, agressions verbales… « Ce n’est pas grand-chose, mais cette accumulation rend l’exercice du métier extrêmement difficile », regrette le jeune homme. « Cela fait des années que les médecins de banlieue dénoncent ces conditions de travail, ce climat de peur dans lequel ils travaillent. Parfois, ils en viennent à l'intérioriser. Je crois qu’il faut en parler, qu’il ne faut pas banaliser la situation. »
Mais dans quelques semaines, ou quelques mois, le Dr Cartier baissera définitivement le rideau de son cabinet. « J’ai pris cette décision bien avant cette agression », confie le généraliste, qui envisage un exil en Nouvelle-Zélande. Pas question de laisser tomber la médecine. « J’aime toujours ce métier, je vais continuer à l’exercer. »
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