Salim Mouhoutar, directeur adjoint de l’ARS de l’Océan indien à Mayotte.

« Notre quotidien mêle profane et sacré »

Publié le 11/01/2018
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SALIM MOUHOUTAR

SALIM MOUHOUTAR
Crédit photo : VALERIE PARLAN

LE QUOTIDIEN : Pourquoi culte et culture sont-ils aussi liés aux soins ?

SALIM MOUHOUTAR : Dans la tradition islamique qui caractérise ce territoire, la maladie et ses remèdes sont envoyés par Dieu. Le corps humain est considéré comme un dépôt confié par le seigneur, d’où le côté sacré du corps. Cela rend complexes les questions liées à l’acharnement thérapeutique, au don et prélèvement d’organes, à l’euthanasie, à l’autopsie. Les croyances et la spiritualité sont essentielles pour comprendre ici l’interculturalité des soins.

Qu’est-ce qui diffère fondamentalement ?

Dans les sociétés occidentales, on sépare les mondes du visible et de l’invisible. Dans la culture mahoraise, ils cohabitent. Par exemple, nos ancêtres sont présents au quotidien et un dialogue se fait avec eux à travers les djinns. De même, la technique et la magie peuvent cohabiter ; donc la médecine moderne côtoie les astres et les forces invisibles. Tout comme il n’y a pas de distinction entre la physique et la métaphysique, entre le profane et le sacré, entre la vie sur terre et l’au-delà. Ce qui n’est pas sans poser des difficultés pour l’accompagnement des malades en fin de vie.

Comment le collectif influe-t-il sur les soins ?

L’île est marquée par une prééminence de la communauté sur l’individu. Dans une société occidentale, la maladie est d’abord un sujet privé et le malade appartient à sa famille. Ici, l’autorité de la famille est à prendre au sens large de la communauté. Donc la maladie peut rompre la cohésion d’un groupe et, parfois, le sujet malade est le résultat d’un défaut d’harmonie entre un être et le corps social. Le soin est toujours associé à la quête du sens, de la cause de ce mal. Il revient alors à la famille de s’impliquer dans le choix thérapeutique afin de faire revenir la sérénité au sein du collectif.

Pourquoi les objets sont-ils essentiels ?

Ils servent de protection entre soi et le monde des esprits. Il y a, par exemple, les hirizis que l’on voit beaucoup chez les enfants, des colliers fétiches renfermant des versets du Coran et qui protègent de la maladie. Ou encore les résines parfumées à brûler pour accéder aux esprits, les danses, les tenues vestimentaires ou les boissons qui vont également permettre de communiquer avec l’invisible.


Source : Le Quotidien du médecin: 9630