En détaillant en tandem avec Gérald Darmanin le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2019, Agnès Buzyn n'a pas boudé son plaisir.
« Pour la première fois depuis 2001 », la Sécu dégagera un excédent de 700 millions d'euros l'an prochain (tableau ci-dessous), en incluant le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). « Le rétablissement des comptes nous permet d'agir et d'être ambitieux », a claironné la ministre de la santé. Et conformément aux annonces d'Emmanuel Macron, le fameux objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) a été relevé de 2,3 à 2,5 %, taux le plus élevé depuis six ans, soit 400 millions d'euros supplémentaires l'an prochain pour investir dans le système de santé.
Coup de pouce aux soins de ville
Comme l'an passé, les libéraux ont été légèrement mieux lotis que les établissements. Au sein de l'ONDAM général (200,3 milliards d'euros), les soins de ville ont hérité d'un sous-objectif de +2,5 % (91,5 milliards), mieux que l'hôpital (+2,4 %). Traduction du virage ambulatoire, cette enveloppe doit accompagner « prioritairement » la réorganisation des soins de proximité autour des communautés professionnelles territoires de santé (CPTS), le financement des nouveaux assistants médicaux en ville ou encore l'augmentation du nombre de structures coordonnées.
Mais loin de pavoiser, la profession s'est montrée incrédule dès lors que la branche maladie devra trouver 3,8 milliards d'euros pour freiner la hausse spontanée de ses dépenses (au rythme de 4,5 %). La lecture de ce budget de la Sécu est d'autant plus incertaine que le gouvernement, en présentant ce PLFSS, a fait peu d'efforts pour documenter les économies poste par poste. À Bercy ou Ségur, on évoquait 800 millions d'euros sur la maîtrise médicalisée mais aussi des mesures sur la « pertinence » (100 millions d'euros sur les transports sanitaires, 100 millions sur la biologie, 80 millions sur la radiologie, etc.) ou encore les génériques à hauteur de 200 millions d'euros.
Ce flou a créé l'inquiétude. « Est-ce que l'accompagnement financier sera à la hauteur pour la ville qui a souffert d'un sous-financement chronique ? Attention aux économies ! La médecine de ville ne pourra pas supporter un plan drastique et sauvage », a aussitôt mis en garde le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. De son côté, le Syndicat des médecins libéraux (SML) « peine à voir les marges de manœuvre promises ». « Que pèseront les 400 millions d'euros dégagés face aux deux milliards d'économies attendus? », calcule son président, le Dr Philippe Vermesch. Quant au Centre national des professions libérales de santé (CNPS), il voit aussi le verre à moitié vide : un milliard d'économies sur le médicament qui vont fragiliser le réseau officinal, des baisses tarifaires qui « restent à l'ordre du jour », des expérimentations trop complexes…
Hôpital : des forfaits mais surtout des charges qui galopent
A hôpital non plus, la hausse de l'enveloppe (+2,4 % à 82,6 milliards d'euros), pourtant supérieure au taux de l'an passé (2,2 %) n'a pas convaincu. Pour la FHF, « le gouvernement reste dans la même logique, où l’on voit l’ONDAM progresser moins vite que les charges hospitalières ». « Nous avons demandé un moratoire sur la baisse des tarifs en 2019, c’est un engagement politique que la ministre pourrait d’ores et déjà prendre, qui contribuerait à casser un système de régulation financière mortifère, regrette Frédéric Valletoux, président de la FHF. Et ce n’est pas la mise en place de forfaits sur deux pathologiques chroniques qui va changer les équilibres macroéconomiques ».
De fait, ce financement forfaitaire a été confirmé pour la prise en charge hospitalière du diabète et de l'insuffisance rénale chronique, première étape de la réforme qui vise à plafonner la part de la T2A à 50 %. Autre confirmation : la dotation qualité sera quintuplée à 300 millions dès 2019 pour les établissements MCO, SSR (soins de suite et de réadaptation) et HAD (hospitalisation à domicile).
Agnès Buzyn s'est employée à rassurer les hospitaliers : les économies réclamées seront moindres du côté de l'hôpital : 660 millions d'euros sur les 3,8 milliards d'euros attendus. « Beaucoup de GHT se sont déjà organisés pour rationaliser leurs achats », décrypte Agnès Buzyn.
Médicament : variable d'ajustement ?
Dans le champ du médicament enfin, le PLFSS concrétise certes plusieurs engagements du gouvernement pris dans le cadre du conseil stratégique des industries de santé (CSIS) dont l'extension des règles d'accès précoce à l'innovation via les ATU. Mais le secteur de la pharmacie reste de loin le premier contributeur à l'effort de redressement à hauteur d'un milliard d'euros (essentiellement par le biais de baisses de prix). Pour Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM (Les entreprises du médicament), ce niveau « disproportionné » de ponction est « contradictoire avec les objectifs d’attractivité industrielle affirmés » par l'exécutif.
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