À cinq jours du second tour de l'élection présidentielle entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, trois tribunes de médecins et acteurs de la santé appellent à faire barrage à l'extrême droite et à voter Macron. Quatre syndicats de médecins ont, par ailleurs, également pris position sur ce sujet.
D'abord dans une tribune parue dans « Libération » ce dimanche 17 avril, des médecins et de personnalités du monde de la santé, tout en dénonçant des choix du gouvernement dans la gestion du Covid, expliquent pourquoi ils « feront barrage » à Marine Le Pen. « Notre vote sera d’abord un combat contre l’exclusion, le sectarisme, l’intolérance, le racisme et la xénophobie, qui ne peut souffrir aucune abstention. Nous sommes du côté de ceux dont le nom est difficile à prononcer et nous savons que sans les soignants étrangers, le système de santé français ne tiendra pas », indiquent les signataires de cette tribune, dont le Dr Christian Lehmann, généraliste et chroniqueur pour le quotidien, le Pr Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML ou encore le Dr Pierre de Brémond d’Ars, à la tête du collectif FakeMed.
Tout en soulignant « l'optimisme déplacé » du président sortant face au virus, la « trop faible détermination » de l’exécutif pour combattre le charlatanisme, ou encore « la fin de l’obligation du port du masque en lieu clos », ils n'auront « aucune hésitation » à mettre un bulletin « Emmanuel Macron » dans l'urne. « Marine Le Pen, face à la pandémie, ce serait la porte ouverte aux charlatans, l’incompétence et l’inconséquence, l’invocation sophiste de la liberté individuelle au mépris des plus vulnérables, le discrédit permanent jeté sur l’expertise et le progrès scientifique au profit de fascinations complotistes assumées », rappellent les médecins.
Stigmatiser
Dans un autre texte publié la veille dans « Le Journal du Dimanche », plus de 1 000 « acteurs de la santé » – parmi lesquels le président de la FHF Frédéric Valletoux, Éric Chenut, le patron de la Mutualité, le Dr Jean-Louis Bensoussan secrétaire général de MG France, le Dr Patrick Gasser, président d'Avenir Spé ou Lamine Gharbi, à la tête des cliniques (FHP), et de nombreux PU-PH – ont lancé « un appel solennel en faveur du seul vote qui permet de préserver nos solidarités », celui d’Emmanuel Macron. « Malgré une communication plus subtile, l’extrême droite n’a pas changé. Elle n’est pas plus rassembleuse ou sociale qu’elle ne l’était il y a 20 ans, au soir du 21 avril 2002. Et plus que jamais, elle porte en germe la destruction de notre État-providence, nos services publics et particulièrement notre système de santé », estiment-ils.
Outre la suppression de l'aide médicale d'État (AME), remplacée par un dispositif pour les soins les plus urgents, les signataires rappellent que le RN souhaite « stigmatiser les médecins et professionnels étrangers, nos collègues et amis ». S'ils ne seront pas interdits d’exercer à court terme, « comment accepter l’atteinte qui serait faite à leur dignité en les désignant comme intrus ? ». Et de rappeler qu'actuellement, « 30 % des postes de médecin sont vacants à l’hôpital, et que plus de 10 % de l’ensemble des médecins en exercice régulier ont un diplôme acquis à l’étranger ».
« Aucune ambition »
Une dernière tribune, qui prend cette fois clairement parti pour le programme du candidat Macron, a également été mise en ligne sur « L'Express ». Initiée par le Pr Patrick Pessaux, chef de service de chirurgie viscérale et digestive aux hôpitaux universitaires de Strasbourg, elle dénonce le manque de prévention du programme de Marine Le Pen, et juge « démagogique » sa proposition de moratoire sur les fermetures de lits à l'hôpital ou le retour à une dotation globale pour son financement. Avant le premier tour, l' « appel de Strasbourg » lancé par le Pr Jacques Marescaux, président de l'Ircad, avait déjà invité au vote pour le président sortant.
« Comme Emmanuel Macron, nous pensons que la santé est un sujet central pour le prochain quinquennat et un secteur dynamique et innovant, créateur d'emplois et de richesses. Il s'agit d'un investissement humain et social majeur pour la France, nécessitant une vision de santé globale (...). Nous nous opposons fermement à une vision régressive, rétrécie, discriminante, culpabilisante et surtout sans aucune ambition pour l'avenir de notre système de santé », indiquent le Pr Sadek Beloucif, président du Syndicat national des médecins des hôpitaux publics (SNAM-HP) ; Nora Berra, ancienne secrétaire d'État à la Santé de Nicolas Sarkozy ; l'épidémiologiste controversé Martin Blachier ; le Pr Michel Lejoyeux, psychiatre et addictologue ; le Dr Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes (Amuf) ; l'académicien Guy Vallancien ou encore le Pr Didier Sicard, ancien président du comité consultatif national d'éthique (CCNE).
Pas les mêmes valeurs
Les syndicats de médecins libéraux ont également appelé leurs adhérents à refuser le vote d'extrême droite lors du second tour. Le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML, signataire des deux premières tribunes précitées, a publié une vidéo sur son compte Twitter la semaine dernière. Tout en précisant que cela lui « coûte » d'appeler à voter pour Emmanuel Macron, il juge qu'en tant que médecin « on ne peut pas accepter » le programme de Marine Le Pen.
Les valeurs defendues par le Rassemblement National ne peuvent pas être les valeurs de la médecine…
— DrMartyUFML-S ???? (@Drmartyufml) April 17, 2022
Mon appel à ne pas voter RN à #Elections2022 .
Parce nous ne soignons pas et ne soignerons jamais en fonction de l’origine, de la religion ou de l’idéologie. pic.twitter.com/XYnN5FZ6NE
MG France, de son côté, a rappelé les valeurs « qui doivent guider les soignants et fonder nos politiques de santé », comme l'égal accès de tous aux soins, l'accueil de tous les patients, sans conditions et sans discriminations ou la lutte pour la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. Les propositions qui limitent l’accès aux soins des populations d’origine étrangère aux seuls soins urgents sont à la fois « contraires à l’éthique médicale et néfastes pour la santé de toute la population ».
La variation du tarif des consultations selon le lieu d’exercice est « tout aussi inadaptée au problème des déserts médicaux qu’inapplicable ». La liberté vaccinale comme la liberté de prescrire proposées dans le programme du RN ne sont pas mieux vues par MG France, qui rappelle aux médecins la « rigueur scientifique » nécessaire.
Candidate fasciste
Enfin, le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) a également souligné que les « valeurs fondatrices du soin, de l'éthique médicale et de la pratique médicale » sont « incompatibles avec l'extrême droite dans leurs principes d'universalité et de lutte contre les inégalités en santé ». « Nous n'envisageons pas de discuter dans le détail les aspects du programme d'une candidate fasciste qui pourraient relever de notre compétence : nous considérons que les propositions faites n'entrent pas dans le champ des idées qui se débattent », soutient le syndicat. Enfin, l'Union syndicale de la psychiatrie (USP) prévient qu' « évidemment pas une voix venue du syndicalisme de lutte que nous défendons ne saurait rejoindre le nom de Le Pen. Son programme est notre ennemi mortel». Mais elle ne donne pas pour autant de blanc-seing au président sortant.
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