Savoir en 15 minutes si une infection bactérienne est résistante ou non à la colistine, si cette résistance est plasmidique ou chromosomique… et en tirer les conclusions cliniques qui s'imposent ? C’est possible avec un simple spectromètre de masse, déjà présent dans la plupart des hôpitaux, assure le Dr Laurent Dortet, directeur du service de bactériologie virologie du Centre national de référence de la résistance aux antibiotiques (au CHU de Bicêtre) et chercheur détaché à l’Imperial College de Londres.
Avec ses collègues le Dr Gérald Larrouy-Maumus et le Pr Alain Filloux, il a présenté au Congrès européen de microbiologie clinique et des maladies infectieuses (ECCMID), qui se tient à Vienne jusqu'au 25 avril, cette méthode qui permet d’accélérer, à bas coût, le diagnostic des infections résistantes à la colistine.
Les chercheurs ont eu l’idée d’utiliser, pour détecter cette résistance, un spectromètre de masse, déjà utilisé dans la plupart des laboratoires de microbiologie clinique pour l'identification des bactéries. « La résistance à la colistine constitue un problème majeur car il s’agit de l’antibiotique de dernier recours face à certaines bactéries multirésistantes, a expliqué le Dr Dortet au « Quotidien ». De plus, la résistance plasmidique, décrite pour la première fois en novembre 2015, est un phénomène particulièrement inquiétant : contrairement à la résistance chromosomique, elle peut se transmettre d’un type de bactérie un autre totalement différent, ce qui fait courir un risque de dissémination plus élevé. »
Face à une résistance plasmidique, des mesures de quarantaine
Aujourd’hui, la méthode de référence pour détecter une résistance à la colistine et savoir si celle-ci est de type plasmidique ou chromosomique prend entre 3 et 4 jours. Contre 15 minutes pour le test mis au point par les chercheurs français. Celui-ci utilise, sur un spectromètre de masse classique (de type Maldi-Tof), une matrice, brevetée, différente de celle mise en œuvre pour l’identification bactérienne. Il a été évalué sur des souches d’E. coli et de Klebsiella pneumoniae. « La cible de la colistine est le lipide A, et le mécanisme de résistance de la bactérie consiste à ajouter une molécule au lipide A, précise le Dr Dortet. En passant la colonie bactérienne dans le spectromètre de masse, si un seul pic sort, cela signale le lipide A natif, et signifie que la colonie est sensible à la colistine. Mais si on observe un second pic, il signale cette addition protéique, et donc que la colonie est résistante à la colistine. C’est la même chose avec une résistance plasmidique : un pic particulier est retrouvé après passage par le spectromètre de masse. »
Pour le Dr Dortet, l’impact clinique est majeur. « S’il y a résistance à la colistine, il faut tout de suite ajouter d’autres antibiotiques au traitement du patient car la colistine seule ne suffira pas à le traiter. Et si on constate une résistance plasmidique, cela signifie qu’on doit mettre en place des mesures plus drastiques qu’en cas de résistance chromosomique (isolement du patient, utilisation d’un staff dédié…). »
Ce test a fait l’objet d’un dépôt de brevet. Il est actuellement testé sur d’autres souches, pour confirmer sa robustesse. Et la recherche de partenaires industriels pour l’étape de mise sur le marché est déjà lancée.
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