Sur la photo où elle accompagne son mari au bureau de vote de Villeneuve-sur-Lot, en 1997, silhouette élancée (elle mesure 1,73 mètre), cheveux blonds ondulés, grands yeux bleus, sourire aux lèvres serrées, chemise blanche immaculée, longues jambes fuselées dans un pantalon noir, le Dr Patricia Cahuzac a tout d’une héroïne hitchcockienne : raffinée, douce, sexy, avec cette froideur qui cache une bombe à retardement. Explosion annoncée à la fin du film.
« Sous son apparence élégante, attentive à son image, c’était une étudiante qui dégageait beaucoup de charisme, se souvient le Dr Sydney Ohana, qui fut son condisciple à la faculté Pierre-et-Marie-Curie (Paris). Et une grande bosseuse, au parcours sans faute. »
Son destin sera médical en même temps que conjugal : encore étudiante, elle épouse en 1980 le séduisant Jérôme Cahuzac, qui poursuit son cursus en chirurgie viscérale, tandis qu’elle opte pour la dermatologie. Le couple profite aussi de la vie : vacances en Corse tous les étés, séjours au très people hôtel Hermitage de La Baule, randonnées à ski dans les Alpes. Avec la naissance de trois enfants, les Cahuzac donnent l’image d’un certain bonheur et d’une réussite certaine : ensemble, ils vont bâtir un empire sur un nouveau traitement de la calvitie. À l’occasion d’un congrès à Los Angeles, à la fin des années quatre-vingt, ils sympathisent avec le Dr Pierre Pouteaux, l’un des pionniers de l’implant capillaire en France, qui devient leur mentor. Tous deux intègrent la clinique de la rue Clément-Marrot, au cœur du triangle d’or de la capitale. Les cuirs chevelus aussi dégarnis qu’illustres défilent sous leurs doigts experts. Mais alors que Jérôme est happé par la carrière politique, Patricia perfectionne la technique des F.U.T. (voir encadré) et assure l’essor de la clinique. Membre de l’institut de trichologie (ainsi dénomme-t-on la spécialité de la microgreffe capillaire) de Londres, elle adhère à l’International society of hair restoration surgery (ISHRS), participe à ses comités de réglementation et d’éthique, intervient lors des congrès internationaux : Chicago en 2002 (raising photographic standards), New York en 2003 (presentation comparing growth of 2 hair grafts), Vancouver 2 004 (hair shaft diameter). Elle trouve encore le temps d’enseigner : à Lyon 1, elle cofonde le DIU de chirurgie restauratrice du cuir chevelu (service du Pr Christian Dubreuil), aujourd’hui DIU traitement de la calvitie. Bref, résume le Dr Pascal Boudjema, autre trichologue parisien qui la rencontre aux congrès de l’ISHRS, « c’est une consœur bien sous tous rapports, dynamique et compétente, une spécialiste réputée et elle garde toute mon amitié et mon estime. Elle a gagné beaucoup d’argent, et alors ? Faut-il lui reprocher une force de travail supérieure à la moyenne, interroge son confrère, qui ajoute : vous ne trouverez personne dans la spécialité qui mette en cause son honorabilité. »
Réaction d’une femme humiliée
C’est cette irréprochable praticienne qui va sortir de l’ombre en 2013. Dans le scandale le plus retentissant de la République dite exemplaire, les journalistes lui prêtent d’abord le rôle d’une femme non négligeable, puis celui de coupable idéale, voire de diabolique. Elle aurait été le détonateur de l’affaire qui a fait exploser politiquement son mari. Un inspecteur du fisc, Rémy Garnier, qui a repéré les placements offshore du couple dès 2008 est formel : « Plusieurs indices me permettent de penser que c’est Patricia Cahuzac qui est selon toute vraisemblance à l’origine des révélations de Médiapart, confie-t-il au « Quotidien ». Tout est venu d’elle, qui a agi et réagi en femme blessée, humiliée. » Dès 2011, elle a en effet missionné des détectives qui lui ont confirmé ses soupçons sur les frasques de son mari, photos à l’appui. « Je n’ai eu aucune difficulté à produire les éléments, indique l’un d’eux, Florent Pédebas, car le mari ne se cachait pas. »*
« C’est bien la femme par laquelle le scandale est arrivé, opine l’historien Jean-Luc Barré**, elle seule pouvait mettre en mouvement toute une série de données qu’elle était seule à maîtriser dans le huis clos du couple. » De fait, précise à Jean-Luc Barré le patron de Mediapart, Edwy Plenel, « j’ai eu accès à des sources très proches dans l’entourage familial. » Et il ne s’agissait certes pas des enfants du couple. L’une, Diane Gontier (de son nom d’épouse), l’une des filles du couple, raccroche tout net lorsque « le Quotidien » la sollicite.
« Mme Cahuzac n’est pas qu’une blanche colombe victime d’un mari volage et fraudeur, qui agit pour se venger, poursuit Rémy Garnier. Les enquêteurs ont mis à jour le compte qu’elle alimentait sur l’île de Man, avec 2,5 millions d’euros, puis un autre compte, en Suisse, distinct du premier compte de Jérôme Cahuzac, avec un million au compteur. » Des aveux ont été recueillis par les juges et reproduits par les médias.
La stratégie du silence total
À la différence de la vie de son ex-mari (le divorce a été prononcé en décembre dernier, après trois ans d’une procédure cataclysmique), aujourd’hui retraité, paria de la politique, sanctionné par l’Ordre, la vie de Patricia Ménard continue. « Si Jérôme Cahuzac a porté atteinte à l’honorabilité de la profession par ses mensonges réitérés et a fait l’objet d’une sanction, tel n’est pas le cas, à ce jour, de Patricia Ménard », précise le président de l’Ordre de Paris, le Dr Jean-Jacques Avrane, qui n’a rien à redire à son sujet. Dans le cabinet qu’elle a transféré avenue de Breteuil, le Dr Cahuzac a adopté la stratégie du silence total. « Discrétion absolue », comme stipulé en lettres rouges sur son site internet. Ni photo, ni interview, ni déclaration publique. Encore moins de règlements de comptes, bancaires et médiatiques. Dans l’entourage, la consigne est scrupuleusement respectée : aucun de ses nombreux avocats (Mes Schapira, Copé, Lauret, Gonel…), sollicités par « le Quotidien » ne lâche rien, retranchés derrière le secret professionnel. Chez les confrères, c’est également « le black-out total », selon la formule du Dr Jean-Albert Amar, autre spécialiste des greffes capillaires. Et quand sa fille, l’an dernier, publie un roman, on y cherchera en vain une quelconque clé de l’affaire. Au « Quotidien », Patricia Cahuzac dira juste que sa vie privée ne concerne qu’elle, ajoutant : « Ce n’est pas du tout le moment de faire un article sur moi ».
Est-ce à dire qu’elle se réserve pour la suite judiciaire des événements, programmée pour septembre ? Lorsque Jérôme Cahuzac l’a rejointe le 8 février sur le banc des accusés où tous deux répondent des mêmes chefs de fraude et blanchiment, les deux anciens époux, après une hésitation, se sont fait la bise, sans jamais échanger ensuite un regard. Décidément hitchcockienne, le Dr Patricia Ménard ex Cahuzac ménage encore le suspense sur sa propre énigme.
*Cité par Matthieu Delahousse, "Code Birdie", Flammarion
**Auteur de "Dissimulations, la véritable affaire Cahuzac", Fayard
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation