Un désastre. Les violences faites aux femmes, c’est un décès tous les 2,8 jours sous les coups du conjoint, soit 19 % des homicides – près d’une fois sur deux, ces violences démarrent à la première grossesse. Ce sont aussi 53 000 mutilations sexuelles et 93 000 viols chaque année. Seule une victime sur dix porte plainte pour des violences physiques ou morales, et nombre de femmes agressées se sentent responsables de leurs malheurs. Moins d’un quart d’entre elles arrive en consultation, et jamais pour ces raisons. Il ne faut pas passer à côté.
Des signaux indirects
L’oubli de rendez-vous, les retards, les départs précipités de la consultation et les attitudes pressées peuvent résulter de contraintes d’emploi du temps, mais aussi concerner des victimes qui ne peuvent venir que lorsque le partenaire est absent.
La femme qui subit des violences peut aussi attirer l’attention en ne prenant pas correctement ces traitements même si sa pathologie la déséquilibre et s’aggrave, ou en consultant sans arrêt. Les attitudes déprimées ou tristes sont également des signaux d’alerte, et l’attitude de l’accompagnateur en dit souvent très long. La juriste Dominique Druais réclame la plus grande vigilance face « au partenaire hyperprévenant qui répond à la place de la victime, ou que celle-ci regarde avant de parler, et qui semble la contrôler à distance avec des expressions du visage ou des attitudes intimidantes ».
Dans une situation de ce type, le médecin doit revoir la victime, l’amener à se confier, pour rédiger un certificat avec la date et l’heure de la consultation. Dans ce document, le médecin constate juste ce qu’il voit, surtout sans tenter de l’expliquer, et demande l’autorisation préalable de la patiente pour y joindre quelques photos, qui peuvent être prises par un simple smartphone. Hors de question de parler ici de viol, d’inceste ou de harcèlement : la justice fera son travail, et ce certificat médico-légal circonstancié doit rester strictement descriptif et n’être remis en main propre qu’à la victime.
À cette occasion, le médecin peut utilement recommander la compilation de preuves supplémentaires de violences, notamment celles, écrites ou verbales dont peuvent fourmiller répondeur et SMS. Dominique Druais insiste pour que les médecins guident ces femmes vers les commissariats, lesquels ne peuvent en aucun cas refuser un dépôt de plainte. Cela évite d'accumuler les mains courantes, jamais transmises au parquet.
Les médecins devraient aussi se construire un réseau d’aide face à ces situations courantes pour peu qu'on ne les ignore plus. Tisser des liens avec d’autres professionnels, psychologues, juristes, avocats, mais aussi des associations permet d'avoir à portée de main quelques numéros d’urgence permettant de protéger les femmes et leurs enfants, de les aider à partir, mais aussi de les soigner pour qu’elles se reconstruisent.
Les vacances, période à haut risque de mutilation
« À travers le monde, six petites filles subissent une excision chaque minute. Une violence qu’elles subissent toutes en Égypte, beaucoup au Mali, au Pérou et en Inde. C’est au Togo que cette pratique mutilante paraît désormais remise en cause, le plus souvent par les hommes, d’ailleurs », explique le médecin généraliste devenu anthropologue Patrick Ouvrard.
Mariage ou avortement forcés, excision : le médecin ne peut en aucun cas rester les bras ballants, et doit savoir questionner habilement parents et enfants à la moindre occasion. Pendant les grandes vacances, les enfants qui partent dans le pays d’origine de leurs parents sont des victimes potentielles, et les professionnels de santé ont une obligation de signalement lorsque le péril de la mutilation est imminent ou lorsqu’il constate qu’une fillette vivant sur le territoire français a été mutilée.
Si le signalement doit être fait à la PMI, il faut aussi saisir le procureur de la République ou le juge pour enfants, le tribunal de grande instance ou encore le service départemental d’aide sociale à l’enfance. Compte tenu de l’urgence et de la fragilité des victimes, il s’agit de l’un des très rares cas où la loi autorise la levée immédiate du secret professionnel. Au contraire, garder le silence relève du Code pénal, pour non-assistance à personne en danger.
Le Dr Ouvrard insiste sur ce regard vigilant dû aux fillettes reçues en consultation, et liste quelques signes d’alerte : la discordance entre le discours de l’enfant et celui des parents sur l’objet d’un voyage, des parents qui éludent la question, ou bien un départ précipité en dehors des vacances scolaires sans motif sérieux établi. « Ouvrons l’œil lorsque l’enfant paraît fatigué, pâle, est sujet à malaises, à vomissements. L’attitude non bienveillante des parents peut éclater sous vos yeux. Il y a les pleurs faciles, les peurs inexpliquées, mais aussi l’enfant qui pose des questions sur le pays où elle se rend et qu’elle ne semble pas connaître », avertit Patrick Ouvrard.
Quant au certificat de virginité encore demandé aux médecins généralistes, il est à refuser en toutes circonstances. Le Conseil national de l’ordre des médecins est très ferme sur ce point, et vous invite à refuser l’examen et la rédaction de ce certificat, contraire à la dignité de la femme.
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