Le Quotidien du médecin - Vous expliquez dans votre ouvrage que l’information sur les toxiques fait défaut, qu’elle est souvent fondée sur des données fournies par les industriels, ou est encore au stade d’ébauche. Sur quelles sources vous êtes vous donc appuyé pour établir ce guide ?
Dans ma pratique clinique, je fais des exposés aux femmes enceintes, mal protégées contre les toxiques alimentaires, cosmétiques et environnementaux.
Pour la rédaction de ce livre, je me suis appuyé sur des documents scientifiques, notamment repérés via la veille du Réseau environnement santé (RES). J’ai aussi échangé avec des experts comme Bernard Petit (ancien chimiste dans l’industrie), André Picot, du centre national de recherche scientifique (CNRS), Marie Grosman, agrégée en biologie, André Cicollela et d’autres chercheurs, notamment de l’INSERM.
En toxicologie, lorsqu’émergent des doutes scientifiques, nous médecins, ne pouvons dire à nos patients : « revenez dans 10 ans j’en saurais plus ». Il faut immédiatement prendre des précautions et c’est pourquoi ce livre donne des solutions pratiques. Il fait la synthèse de ce que les médecins devraient savoir pour conseiller leurs patients.
L’idée est de diffuser une hygiène chimique, comme a pu se développer au temps de Pasteur une hygiène contre les microbes, qui a permis d’éradiquer la peste et le choléra. C’est la prévention qui marche !
Le « livre antitoxique » donne des recommandations aux consommateurs, comme ne pas absorber plus de 3 additifs. D’un autre côté, vous reconnaissez que nous sommes envahis par les substances chimiques. Quelle peut être l’efficacité d’actions individuelles ?
Il est possible de limiter l’exposition aux produits de synthèse. Quelque 100 000 molécules de synthèses ont été créées. Selon un rapport parlementaire, seulement 3 % des substances chimiques ont été correctement étudiées, tandis que pour 21 %, il n’existe aucune donnée.
Vous vantez les mérites du Bio. L’efficacité de ce mode de consommation est-elle démontrée ?
Le bio permet de limiter de facto l’exposition aux substances chimiques, même si le « tout bio » n’existe plus, car la pollution se dépose partout. Faut-il tout acheter bio ? Pas forcément, mais au moins des produits frais et non transformés. Si on choisit des fruits, légumes, œufs et produits laitiers bio, on limite probablement le risque d’exposition de 80 %. On peut arriver à budget constant à acheter bio en éliminant les produits inutiles et parfois bourrés d’additifs, comme certains biscuits, sodas, ou produits de nettoyages très chers, qui peuvent eux être remplacés par du bicarbonate de soude. Les pouvoirs publics doivent changer la fiscalité alimentaire. Ils devraient taxer très lourdement les produits denses sur le plan calorique (saucisses, chips, gâteaux industriels...) et subventionner les agriculteurs pour que les fruits et légumes soient moins chers.
Vous portez un regard très critique sur les autorités. Plusieurs signaux indiquent un changement. À la suite du rapport de l’ANSES sur le bisphénol A, la ministre de l’écologie Delphine Batho a annoncé qu’elle proposerait à la commission européenne de l’interdire dans les tickets thermiques...
Je dénonce un laxisme patent des pouvoirs publics. On s’est aperçu par exemple que les coiffeuses et les femmes de ménage avaient tendance à avoir plus d’enfants malformés que les autres femmes à cause des produits qu’elles manipulent. Il n’y a eu aucune recommandation ! Ce n’est pas la dose qui fait le poison, mais le moment de l’exposition. L’ANSES va actuellement dans le bon sens. Mais l’Europe n’est pas à la hauteur des demandes de protection des consommateurs au niveau sanitaire. Les méthodes de travail des agences européennes peuvent poser problème. La France doit être force de proposition.
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