NE LA TRAITEZ plus jamais de « juppette »... Quinze ans après, celle qui fut la fulgurante ministre de la Santé et de la Sécurité Sociale d’Alain Juppé (du 17 mai au 7 novembre 1995) avoue qu’elle n’a « toujours pas digéré le traitement médiatique » qui lui fut alors infligé. Car elle était tombée, rappelle-t-elle, « au sujet d’une certaine conception de l’organisation des soins, face à la citadelle de Bercy ». Et certainement pas comme la vulgaire surnuméraire féminine, parmi d’autres, d’un gouvernement pléthorique. De fait, qui se souvient encore de ces femmes brutalement débarquées du ministère Juppé 1 ? Alors que, comme le note François Bérard, le délégué général de la FNEHAD (Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile), « personne n’a oublié cette grande ministre blonde, débordante d’énergie, qui, en dépit de la brièveté de sa carrière ministérielle, a réussi à imprimer durablement son image dans l’opinion ».
Élisabeth Hubert : un nom, une haute silhouette (elle mesure 1,78 mètre) coiffée d’une chevelure diaphane, un regard perçant cerclé de fines lunettes d’écailles. Et un verbe qui a fait sa réputation de « grande gueule », lui assurant, tour à tour, ascensions et déclins. Roche tarpéienne et Capitole sont tout proches : les Romains le professaient, Élisabeth Hubert l’a vérifié à plusieurs reprises.
« Elle a cartonné et elle a morflé comme personne, résume le Dr Pierre Jégo, généraliste nantais, ami de la famille Hubert, qui fut son condisciple dès la fac, en 1973. Sa liberté de parole l’a tantôt servie, tantôt desservie, suscitant des réactions toujours passionnelles. Son indépendance, son autonomie dérangent pas mal de monde. On ne la voit pas venir, on ne la contrôle pas, alors on la brocarde ou on la vire. Et c’est parfois féroce. »
Déjà chez les surs de Nantes, où elle effectue sa scolarité secondaire, elle est repérée. « Sans être une révoltée, j’étais souvent rebelle à l’ordre établi, reconnaît-elle, cataloguée comme une grande gueule, parfois collée mais jamais virée. » Inscrite à la faculté de médecine, elle devient leader étudiante, élue sur les listes du mouvement de la Corpo. « Parler devant 250 personnes ne me génait pas », se souvient-elle. Et en tant que déléguée aux conseils de faculté et d’université, tout au long de son cursus, elle s’engage sur ce qu’elle appelle « une certaine idée de la médecine ». Et en particulier de la médecine générale : « Je me suis tout de suite battue pour que la médecine générale ne soit pas choisie par défaut, qu’elle bénéficie d’une formation et d’un enseignement à part égale avec les spécialités ». Personnellement, elle n’est pas attirée par la carrière hospitalo-universitaire, ne se sentant pas l’échine assez souple pour y gravir les échelons. Ce sera donc la médecine générale, « pratiquée comme une forme d’humanisme, dans la vérité de la relation avec les gens ».
Double septennat.
Thésée en 1981, elle exerce en cabinet, installée en Loire-Atlantique pendant quatorze ans. Un double septennat heureux, vécu avec cette conviction dont elle ne départira pas : « Il faut prendre son destin en main, sans attendre que les autres le fassent à votre place. » C’est le credo d’Elisabeth Hubert, conjugué sur tous les modes : le mode syndical d’abord, le mode politique dans la foulée. En attendant la suite...
À la CSMF (Confédération des syndicats médicaux français), dès 25 ans, elle est secrétaire générale adjointe dans son département. C’est l’époque de la FNOF (Fédération nationale des omnipraticiens de France). Elle se retrouve ensuite parmi les membres fondateurs de l’UNOF, siégeant au bureau confédéral et au CNPS (Centre national des professions libérales de santé). « Elle nous estomaquait, se souvient son « compagnon de galère » de l’époque, le Dr Dominique Richter, c’était déjà une battante, avec une vision très futuriste de la médecine libérale, qui laissait souvent les militants bouche bée. »
« Un jour, poursuit cet élu CSMF, lors d’un salon professionnel, nous voyons débarquer Jacques Chirac, à qui nous sommes présentés comme de jeunes médecins de l’UNOF. Saluant Élisabeth, le patron du RPR glisse tout de go : « Ah, une femme en Loire-Atlantique, ça m’intéresse ... »
Une femme qui avait rejoint le parti gaulliste dès le 11 mai 1981. « Devant les 110 propositions [du candidat François Mitterrand, élu président la veille, NDLR], je me suis dit : nom d’un chien, si je ne m’en occupe pas, on court au désastre. » Ni une, ni deux, le jeune Dr Hubert se retrousse les manches, colle les affiches, court les meetings, harengue les marchés. Elle « adore l’ambiance militante chiraquienne, ce vrai mélange social, comme le métro à six heures du soir, selon la formule d’André Malraux. »
Les codes du pouvoir.
La suite sera une success story très médiatisée. À la faveur de la proportionnelle, elle est investie par le hiérarque gaulliste Olivier Guichard et devient, à 29 ans, en 1986, la benjamine du Palais-Bourbon. C’est « le phénomène Hubert », titrent les journaux. Sans complexe comme d’habitude, elle prend ses marques, travaille ses dossiers à la commission des affaires sociales, est réélue en 1988 (53 % des voix), puis en 1993 (près de 60 %). Entre-temps, le bébé politique est devenu un orateur patenté de son groupe sur les questions de santé, de médecine libérale et de protection sociale. Elle est à l’origine de mesures concrètes, comme les créations des ordres des kinés et des infirmiers. Mais son indépendance la rend toujours aussi imprévisible : en 1992, au grand dam de Chirac, elle prône le non au référendum européen, aux côtés de Philippe Seguin. Nul ne s’étonnera cependant de la voir intégrer le gouvernement Juppé de 1995. Sauf que l’éviction survient brutalement, alors qu’elle a tout juste lancé les grands chantiers de l’organisation des soins et de l’hôpital avec les ARH. « J’étais dans la seringue, analyse-t-elle aujourd’hui, après des accrochages violents avec le Premier ministre. Et surtout, je n’étais pas dans les codes du pouvoir. »
Qu’à cela ne tienne. Après un passage à l’Élysée où l’appelle le président, elle attaque une nouvelle vie et intègre le monde de l’industrie. À la direction générale des Laboratoires Fournier, elle assure avoir effectué « un septennat de bonheur ». Frédérique Pothier, qui travaillait dans l’entreprise, aujourd’hui membre de la Haute autorité de santé (HAS), se souvient de « son humilité surprenante quand elle est arrivée dans le groupe, se faisant tout expliquer, du monde de la finance, ou de celui de la production. Elle a fait montre d’une prodigieuse intelligence quand elle a dû affronter des crises majeures, comme le retrait mondial de la Cérivastatine. Elle l’a géré avec beaucoup de charisme. »
En 2004, la dirigeante « toujours en dehors des codes », selon sa formule, brigue la présidence du LEEM. Elle est battue. « Encore un mauvais coup », constate Frédérique Pothier. « Son indépendance et son franc-parler lui valent de mener une carrière fulgurante, entrecoupée de hauts et de bas, en parcourant différentes sphères », note le Dr Jégo.
La sphère suivante la ramènera à la pratique médicale : en 2006, elle est élue présidente de la FNEHAD. « En quelques années, sous sa férule la fédération est passée de 150 à 200 établissements adhérents, souligne François Bérard. Avec Élisabeth Hubert, l’hôpital hors les murs est devenu un acteur majeur dans le paysage de santé, reconnu comme tel, aux côtés de la FHF et des autres fédérations. » Et le délégué de la FNEHAD d’en souligner l’influence : « En juillet 2008, lors des travaux préliminaires sur la loi HPST [Hôpital, patients, santé et territoires] , Roselyne Bachelot nous a demandé de lui faire des propositions ; dix jours plus tard, Élisabeth Hubert lui en soumettait une quinzaine. Pas moins de onze d’entre elles ont été retenues et figurent dans le texte législatif. » Encore une réussite fulgurante. Et de bonne augure pour la suite du phénomène Hubert.
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