EN PANNE, l’Union pour la Méditerranée ? C’est l’avis de Jean-Jacques Denis. Cet ancien député craint que les aléas géopolitiques ne viennent ralentir les projets de coopération sanitaire entre le Nord et le Sud. Ce, d’autant plus que la santé n’est pas l’un des six chantiers prioritaires de l’UPM.
Pour relancer la dynamique, Jean-Jacques Denis s’est, de son propre aveu, « automissionné ». Membre du Centre d’analyse stratégique, à Paris, il travaille depuis un an au lancement d’un institut euroméditerranéen de la santé et de la solidarité (IEMSS). Aujourd’hui, son projet est fin prêt. Les statuts sont déposés. Explications : « Cet institut, ce n’est pas une ONG, mais un " think tank ", expose Jean-Jacques Denis. L’objectif est de coordonner les projets sanitaires entre le Nord et le Sud dans le champ de la santé. Les initiatives sont nombreuses, mais éclatées. Cela va du réseau méditerranéen des hospitaliers en radiothérapie, aux liens d’hôpital à hôpital, voire de service à service. La pédiatrie du CHU de Nancy a des liens informatiques avec l’hôpital de Marrakech. Le CHU de Lille fait des propositions de management à l’hôpital de Sousse. En fédérant toutes les actions, il s’agit de les rendre lisibles, et plus efficaces ».
Le premier objectif de « l’IEMSS » sera de dresser un état des lieux des coopérations existantes, mais aussi des systèmes de santé des 42 pays membres de l’UPM. « C’était l’objectif des 42 ministres de la Santé réunis au Caire en novembre 2008 [voir encadré] , mais depuis, rien n’a été fait. On n’en parle plus », déplore Jean-Jacques Denis.
Une plateforme Internet devrait voir le jour au début de 2010, ouverte à tous (médecins, industriels, décideurs...), et conçue comme un lieu d’échange et de partage des expériences. Un lieu facilitateur pour les investissements. Un lieu de débat, aussi. « La pollution, l’agroalimentaire, la qualité de l’eau, le réchauffement climatique, l’urbanisation, ont un impact fort sur la santé, reprend Jean-Jacques Denis. Ça sert à quoi de décréter la lutte contre le cancer si on ne commence pas à lutter contre le tabac. Ça sert à quoi de dépenser de l’argent contre le diabète, si dans le même temps on ne travaille pas sur les comportements alimentaires. Il y a beaucoup de travail à faire en particulier sur le cancer, qui est une bombe à retardement au Nord comme au Sud. Il faut trouver des actions transversales ».
Migrations médicales et tourisme sanitaire.
Bien entendu, la question des migrations médicales sera posée. Et son corrolaire, le tourisme médical. « La France fait ses projections de formation de médecins sans tenir compte du reste. La variable d’ajustement, ce sont les médecins du Sud qui viennent combler les besoins, assène Jean-Jacques Denis . Douze mois ont passé depuis les déclarations politiques d’Euromed santé au Caire, mais rien n’a changé ».
Les médecins, les patients passent les frontières. Les virus et les bactéries hyperrésistantes aussi. Avec la pandémie de grippe A, l’Europe est prise en flagrant délit d’hypocrisie politique, poursuit Jean-Jacques Denis. «Ce qui se passe est scandaleux. Si l’on considère que la grippe A est une maladie grave, cela doit se traiter au niveau international. Ou tout au moins dans les zones où l’on tente de s’organiser économiquement, notamment l’Euroméditerranée. Si cette grippe venait à muter et devenir mortelle, cela pourrait créer des flux de population, des sortes de migrations sanitaires. Il n’y pas de réflexion en amont là dessus. Cela aurait été un geste fort de l’Europe de montrer qu’elle n’arrêtait pas sa protection vis-à-vis de la grippe à ses strictes frontières. C’est un ratage, le signe que la santé n’est pas prise en compte dans les réflexions internationales ».
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