Covid-19, les leçons à mi-parcours : « La mortalité par effets collatéraux sera peut-être supérieure à celle de l’épidémie »

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Publié le 17/04/2020

Que faudra-t-il retenir de la crise que nous traversons ? La question a été posée par Le Généraliste à dix experts (médecin, économiste, sociologue…). Voici la réponse du Dr Luc Périno, médecin généraliste, titulaire d’un D.U. de médecine tropicale et d’épidémiologie, écrivain.

« Nos progrès biologiques nous permettent de nous rendre compte de la dangerosité d’un nouveau virus avant même d’en avoir la visibilité clinique et épidémiologique. Toutefois, cela place les chefs d’État dans des situations impossibles à gérer. Ils doivent prendre des décisions susceptibles de chambouler complètement la vie de leur pays et d’avoir des conséquences sanitaires non négligeables, voire graves, avant même de connaître cette réalité clinique et épidémiologique.

Mieux armés À la prochaine émergence virale, nous aurons du recul. En comparant la mortalité de 2021 à celle de 2020, nous réaliserons peut-être que le coronavirus aura été une chose bénéfique… pourquoi pas ? Car nous aurons choyé les personnes âgées. C’est une hypothèse réaliste. Peut-être se rendra-t-on compte aussi que la mortalité par effets collatéraux aura été supérieure à celle due aux effets directs du Covid-19. Ce serait une connaissance majeure, grâce à laquelle nous serions mieux armés. Lors d’une épidémie future, on pourrait alors annoncer aux citoyens, sans honte, qu’on laisse le virus circuler pour fabriquer l’immunité du groupe, en sachant très bien qu’il y aura une mortalité directe supérieure mais en expliquant que ce serait pire en confinant. Les opposants politiques d’un chef d’État diront qu’il a tort mais celui-ci aura des chiffres validés par la science à faire valoir.

Aujourd’hui, un dirigeant ne peut pas dire cela. Il est obligé, dans l’urgence et par panurgisme, de suivre le sentiment dominant. Tous les pays font ainsi, ou à peu près. Même Donald Trump et Boris Johnson, qui ont d’abord envisagé de laisser l’épidémie vivre sa vie, sont vite rentrés dans le rang. Ne disposant pas de données, leur position n’était tout simplement pas tenable, au niveau éthique, politique, ou géopolitique. »


Source : lequotidiendumedecin.fr