Décret religieux, amendes, vaccination massive : la stratégie de lutte d’Israël

Publié le 28/03/2019
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Crédit photo : AFP

Une épidémie de rougeole sans précédent sévit en Israël depuis mars 2018 : plus de 3 400 personnes ont été touchées, principalement à Jérusalem, et deux en ont été victimes, les premières de cette maladie depuis 15 ans. Une communauté est particulièrement touchée : la population ultra-orthodoxe ou « haredi ». C’est dans ses rangs que la maladie a atteint le plus grand nombre de personnes.

Comme ailleurs dans le monde, les campagnes de vaccination israélienne se heurtent aux convictions des adeptes de la naturopathie qui préconisent entre autres « l’immunité naturelle », selon laquelle contracter la maladie est « bien plus efficace » que le vaccin lui-même. Mais en Israël, une cause supplémentaire explique l’absence de vaccination d’une partie de la population : la religion voire la politique.

La vaccination dite d’injonction publique, telle que celle contre la rougeole, n’est pas réalisée par le médecin traitant, en effet, mais par le personnel des Tipat Halav, des centres de santé régis par l’État. Or, selon Esther K., habitante de Jérusalem dans un quartier orthodoxe, « une minorité d’Israéliens ne veut pas passer par ces services pour se faire vacciner car ils sont contre l’État d’Israël depuis sa création, le gouvernement ne ressemblant pas à leur « idéal messianique de la Terre Promise ». Ainsi, ils préfèrent ne pas se faire vacciner plutôt que de passer par la fonction publique ». C’est particulièrement le cas des ultraorthodoxes.

Le rabbin haredi Shimon Braun estime quant à lui que les enfants de sa communauté ont reçu le premier rappel contre la rougeole à l’âge d’un an, dans les Tipat Halav qui réalisent le suivi des tout-petits. Mais, selon lui, 20 % d’entre eux n’ont pas reçu le second rappel à l’âge de six ans. Ce dernier est en général administré dans les écoles publiques. Les élèves des écoles privées haredi y échappent donc. Le second rappel, à l’initiative des parents, ne se fait alors pas.

Des rabbins pour convaincre

Pour lutter contre l’épidémie et toucher cette population, le ministère de la Santé a pris des mesures de taille. En novembre 2018, il a fait appel aux rabbins les plus influents du pays afin qu’ils convainquent, à leur manière, la population à vacciner leurs enfants et qu’ils dissuadent les récalcitrants. Un décret religieux a été publié et affiché dans tous les centres de santé du pays, appelant la population à vacciner immédiatement les enfants selon les directives du ministère de la Santé. L’argument principal ? La Torah stipule que l’on ne peut faire de mal à autrui. Le vaccin protège la vie, ce qui est fondamental à la religion juive. Le texte a été signé par les grandes personnalités religieuses du pays, toutes tendances confondues, comme le Rav Itzhak Zilberstein et le Rav Moshé Sternbourch.

Une amende de 2000 shekels (487 euros) a en outre été imposée à ceux qui ne se font pas vacciner. Enfin, l’organisation haredi Yad Avraham, présidée par le rabin Shimon Braun, a coopéré avec le ministère de la Santé pour identifier les enfants ultraorthodoxes qui n’ont pas reçu le second rappel de la rougeole. La vaccination de ces élèves a été réalisée dans 10 écoles haredi, tandis que des hauts-parleurs encourageaient la population à venir faire vacciner ses enfants. 15 000 à 20 000 membres de la communauté auraient été immunisés par ce biais, selon le rabbin Shimon Braun.

 

 

Joanna Partouche, de notre correspondante en Israel

Source : Le Quotidien du médecin: 9736