Infarctus du myocarde

Les cibles thérapeutiques

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Publié le 09/05/2016

Malgré les progrès réalisés au cours des 25 dernières années, l’infarctus du myocarde reste grevé d’une mortalité de 4 % à 30 jours, (registre FAST-MI 2010). De nombreuses voies de recherche sont explorées pour réduire cette mortalité, et ce à toutes les phases du continuum ischémie, reperfusion, remodelage.

« La mort cellulaire évolue à partir du début de l’occlusion coronaire », a rappelé le Pr Renaud Tissier. L’anoxie est quasi-immédiate tout comme la quasi-disparition des concentrations en ATP et en phosphocréatinine dans les myocytes, qui doivent donc s’adapter à de nouvelles conditions.

Dès 1977, des travaux sur des modèles canins avaient montré que 80 % du territoire ischémié était infarci dans les 6 heures qui suivent l’occlusion, données corroborées ensuite chez l’homme. Passé ce délai, la revascularisation perd de son efficacité pour réduire la taille de l’infarctus, avec toutefois une certaine variabilité interindividuelle.

Si la reperfusion joue un rôle majeur pour réduire la taille de l’infarctus et in fine les décès, elle n’est pas suffisante et est elle-même responsable de lésions au niveau cellulaire et au niveau moléculaire, qui entraînent une dysfonction endothéliale et favorisent l’ouverture du pore de transition mitochondrial. « Plusieurs approches de cardioprotection sont développées », a indiqué le Dr Benoît Lattuca : médicamenteuses, avec de nombreux candidats comme la ciclosporine, l’EPO ou les bêtabloquants, et instrumentales. Le post-conditionnement a montré son intérêt dans plusieurs études sur de petits effectifs et cinq essais randomisés sont en cours pour évaluer le post-conditionnement à distance.

 

Cicatrisation-remodelage en trois phases

 

La première phase de la période de cicatrisation-remodelage, de J0 à J3 est une phase d’inflammation, de réponse immune innée, durant laquelle sont libérées de nombreuses cytokines par les cardiomyocytes et par la matrice. Les fibroblastes jouent un rôle important en établissant une réponse immune immédiate en réponse à la nécrose des cardiomyocytes qui libèrent de l’interleukine-1-alpha. Les cytokines recrutent des effecteurs cellulaires, polynucléaires, monocytes et macrophages inflammatoires. En parallèle, le recrutement de lymphocytes B amplifie la réponse initiale monocytaire.

La deuxième phase, de J3 à J7, est celle de la prolifération, caractérisée par le recrutement de nouveaux types de monocytes anti-inflammatoires, suppresseurs-réparateurs. Les macrophages subissent une conversion phénotypique et passent d’inflammatoires à anti-inflammatoires selon des mécanismes mal connus. Interviennent ensuite une efferocytose et la production de cytokines anti-inflammatoires, puis la transdifférenciation des fibroblastes en myofibroblastes et enfin une angiogenèse.

Puis, ente J7 et J30, ces différents mécanismes disparaissent pour laisser la place à la fibrose.

« Toute dysrégulation au cours de ces phases entraîne une dysfonction et un remodelage ventriculaire », a insisté le Pr Lucas Liaudet, avant de souligner que toutes ces étapes et leurs mécanismes sous-jacents constituent autant de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles.

D’après les communications des Prs et Drs Renaud Tissier (Créteil), Benoît Lattuca (Nîmes) et Lucas Liaudet (Lausanne, Suisse)

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin: 9493