Insuffisance cardiaque

L’importance de l’expertise gériatrique

Publié le 19/10/2015
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L’insuffisance cardiaque touche particulièrement les personnes de plus de 80 ans. Son pronostic est très sévère : d’après une étude française (1) la mortalité à deux ans des insuffisants cardiaques de plus de 80 ans est d’environ 70 %, contre 25 % chez les personnes du même âge sans insuffisance cardiaque.

En outre, 50 % des insuffisants cardiaques âgés sont réhospitalisés dans les six mois. « La moitié des patients sont réhospitalisés pour une pathologie cardiovasculaire. L’autre moitié, pour un problème d’une autre nature. En effet, la plupart des insuffisants cardiaques âgés souffrent de syndromes gériatriques associés : troubles de la mémoire, confusion, dénutrition, dépression, chutes et risque iatrogénique. Une prise en charge globale, associant le cardiologue, le gériatre et le médecin généraliste est donc nécessaire. Avec la Haute Autorité de santé (HAS), nous travaillons beaucoup sur le parcours de soin pour que le patient insuffisant cardiaque ait accès à l’expertise cardiologique et à l’expertise gériatrique. Car le cardiologue seul ne peut pas prendre en charge toutes les comorbidités et les syndromes gériatriques », souligne le Pr Olivier Hanon, président de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG).

« D’après une étude publiée dans le New England Journal of Medicine, le suivi du cardiologue couplé à celui du gériatre procédant à l’évaluation gériatrique standardisée (EGS) réduit significativement le taux de réhospitalisation des insuffisants cardiaques, comparé au suivi standard effectué par le cardiologue seul », note le Pr Hanon.

Troubles de la mémoire et dépression, facteurs de mortalité

De nombreuses études montrent que la fréquence des troubles de la mémoire augmente de 62 % chez les insuffisants cardiaques, par rapport aux non insuffisants cardiaques du même âge. D’après l’étude EFICARE (2), un insuffisant cardiaque sur quatre en France a des troubles de la mémoire. Or ces troubles majorent le risque de mortalité. Les études montrent également que la prévalence de la dépression est de 21 % chez les insuffisants cardiaques, ce qui multiplie leur mortalité par deux par rapport aux insuffisants cardiaques sans dépression. De même, les insuffisants cardiaques dénutris ont une mortalité plus élevée. Le repérage et la prise en charge de ces syndromes gériatriques sont donc essentiels. « Les traitements de l’insuffisance cardiaque peuvent, en outre, provoquer des hypotensions orthostatiques majorant le risque de chutes. La collaboration entre le gériatre, le généraliste et le cardiologue est, là encore, primordiale, pour adapter les doses de médicaments », ajoute le Pr Hanon.

Sur le plan thérapeutique, un grand nombre d’études montrent les bénéfices des IEC, des bêtabloquants et des diurétiques (en phase congestive), en particulier dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée. « Les IEC et les bêtabloquants réduisent de 25 à 30 % la mortalité et les réhospitalisations chez les insuffisants cardiaques. Quant aux anti-aldostérones, nous les utilisons avec une très grande précaution chez les patients de plus de 80 ans car, associés aux IEC, ils augmentent le risque d’insuffisance rénale et d’hyperkaliémie », précise le Pr Hanon.

Enfin, le LCZ 696 (inhibiteur de la néprilysine) - en cours d’évaluation à la HAS- a démontré une efficacité supérieure au traitement de référence par IEC en réduisant de 20 % la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée. Dotée d’une meilleure tolérance rénale que les IEC mais engendrant davantage d’hypotension, le LCZ 696 est actuellement à l’étude dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée.

D’après un entretien avec le Pr Olivier Hanon, président de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG)

(1) Tuppin P et al. Arch. Card. Dis 2014;107:158-68

(2) Hanon O et al. Am J Cardiol. 2014;113(7):1205-10

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9442