En induction et en maintenance dans la maladie de Crohn

L'ustekinumab, une nouvelle arme thérapeutique

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Publié le 17/03/2016
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La prise en charge des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI) a été bouleversée dans les dernières années par l'arrivée des biothérapies. Dans la maladie de Crohn, trois anti-TNF alpha sont aujourd'hui disponibles en France : l'infliximab, l'adalimumab et le golimumab. Deux autres voies thérapeutiques ont été explorées : celle des molécules anti-adhésion, conduisant à la mise à disposition récente du vedolizumab, et le développement de la voie des anti-interleukines 12-23. Cette dernière suscite une recherche très active depuis les résultats prometteurs d'une étude de phase 2 avec l'ustekinumab, un anticorps monoclonal anti-IL12-23 déjà indiqué dans le psoriasis en plaques et le rhumatisme psoriasique. L'étude de phase 2 a souligné l'efficacité de l'ustekinumab y compris chez les patients déjà exposés aux anti-TNF alpha, qui représentent de 40 à 50 % de la population de maladies de Crohn.

Résultats favorables en phase 3

La phase 3 de développement de l'ustekinumab comporte deux études d'induction et une étude de maintenance. En induction, l'ustekinumab a été administré par voie injectable (veineuse pour la première injection puis sous-cutanée), soit à la posologie de 130 mg, soit à raison de 6 mg/kg. En phase de maintenance, la posologie était de 90 mg, toutes les 8 ou 12 semaines.

L'étude UNITI-1 a inclus 600 patients réfractaires aux anti-TNF. Le taux de rémission clinique à 8 semaines était de 16 à 21 % (selon la posologie), versus 7 % dans le  groupe placebo.

Dans l'étude UNITI-2, ce sont cette fois des patients naïfs d'anti-TNF qui ont été inclus. « Chez ces sujets, les résultats sont un peu meilleurs, ce qui est habituel », note le Pr Laurent Peyrin-Biroulet. Le taux de rémission à 8 semaines était de 31 à 40 % (selon la posologie) versus 20 % dans le groupe placebo.

L'étude de maintenance, IM-UNITI a inclus les patients répondeurs lors des deux essais d'induction.

Les résultats positifs de ce programme d'évaluation clinique ont conduit le laboratoire Janssen à déposer fin 2015 un dossier d'Autorisation de mise sur le marché (AMM) dans la maladie de Crohn auprès des autorités américaines (Food and Drug Administration) et européenne (Agence européenne des médicaments).

« Les patients devraient pouvoir être traités selon l'AMM et remboursés d'ici une année », précise le Pr Laurent Peyrin-Biroulet.

Posologie, effets à long terme, remboursement…

Plusieurs questions restent en suspens. Tout d'abord l'impact du traitement sur la cicatrisation muqueuse endoscopique. « La clinique n'est pas bien corrélée aux lésions endoscopiques, rappelle le Pr Peyrin-Biroulet et nous attendons les données sur la cicatrisation muqueuse dans les prochains mois ».

Une autre interrogation concerne la posologie. Dans les MICI, les doses efficaces sont plus élevées que dans le psoriasis ou le rhumatisme psoriasique (45 mg en induction et 45 mg toutes les 12 semaines en maintenance). Les premiers résultats suggèrent une meilleure efficacité à la posologie de 6 mg/kg. De même, l'intervalle entre deux doses en phase de maintenance doit encore être affiné.

En termes de tolérance, les données sont très rassurantes, notamment sur le plan infectieux et cutané.

Un suivi à long terme est toutefois nécessaire. C'est l'objet de l'étude I-CARE, registre prospectif européen mis en place sous l'égide du GETAID (Groupe d'étude thérapeutique des affections inflammatoires du tube digestif). Il devrait inclure 16 000 patients atteints de maladie de Crohn et analyser tous les événements liés aux traitements, en particulier aux biothérapies sur une période 3 ans.

Enfin, dernière interrogation : celle du remboursement. « Nous avons été très déçus pour les conditions de remboursement du vedolizumab, uniquement après anti-TNF en l'absence d'essai comparatif direct, rappelle le Pr Laurent Peyrin-Biroulet. Nous espérons que les conditions seront différentes avec l'ustekinumab, qui s'administre en sous-cutané, est bien toléré et est efficace chez le patient naïf d'anti-TNF ».

 D'après un entretien avec le Pr Laurent Peyrin-Biroulet, CHRU, Nancy

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin: 9480