Pas de douleur « normale » chez le senior

Publié le 27/11/2020
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Aiguë ou chronique, la douleur chez le senior est souvent sous-estimée. À décharge, la douleur aiguë paraît moins prévalente dans cette population pour des raisons physiopathologiques, avec en particulier une modification des fibres nerveuses conduisant la douleur et une altération de l’intégration cérébrale du message douloureux avec l’âge. Le troisième facteur qui complexifie la prise en charge de la douleur aiguë est culturel, avec un stoïcisme de la personne âgée qui estime normal de souffrir. Enfin, l’expression de la souffrance peut être trompeuse avec parfois l’apparition rapide de troubles cognitifs (agitation, repli, prostration) qui peuvent induire en erreur. « Devant une agitation brutale sans cause évidente ou un trouble cognitif aigu, il faut toujours évoquer une douleur », souligne le Dr Marie-Louise Navez (consultation douleur, Saint-Étienne).

A contrario, la douleur chronique est plutôt exacerbée du fait de l’épuisement des faisceaux inhibiteurs descendants et d’une plus grande prévalence des troubles musculosquelettiques, neuropathiques ou liés au cancer.

« Quelle qu’elle soit, la douleur avec l’âge n’est pas "normale" et elle doit être expliquée au patient et prise en charge, insiste le Dr Navez. Par exemple, la mobilisation permet de limiter la raideur articulaire liée à l’âge et donc la douleur. Dire qu’il faut se reposer quand on est senior est une contre-vérité et d’une certaine manière de l’âgisme. L’expliquer au patient, c’est déjà le soigner. »

Décrypter la demande d'antalgie

Sur le plan médicamenteux, « une initiation des antalgiques à faibles doses, un suivi pas à pas et une réévaluation permanente sont les précautions en matière d’antalgie chez les seniors, liste la spécialiste. En effet, il faut tenir compte d’une polymédication, de changements sur le plan rénal ou hépatique, d’un état de déshydratation. Les seniors peuvent prétendre à des traitements antalgiques forts mais en veillant de très près aux posologies et à la polymédication car les effets délétères des antalgiques sont souvent liés aux interactions médicamenteuses, typiquement celles associant des psychotropes et des morphiniques ». Le paracétamol est bien accepté en respectant la posologie maximale chez le sénior (500 mg par prise sans dépasser 3 g/jour). Anti-inflammatoires et aspirine, généralement écartés chez le sujet âgé, peuvent parfois rendre service ponctuellement, dans certaines douleurs ostéo-articulaires sévères notamment, tout en surveillant la fonction rénale. Les opiacés sont aussi envisageables, à condition de repérer tout risque de constipation, de somnolence et de chute. 

« De manière générale, nous devons, en tant que soignants, être plus attentifs à la demande d’antalgie de la part des seniors, invite le Dr Navez, et les questionner sur ce qu’ils attendent du traitement et les impliquer dans sa gestion. Chez le senior, le « prêt à traiter » en matière d’antalgie n’existe pas. »

H.J.

Source : Le Généraliste