Handicap neurologique, sexualité et procréation

Une demande très forte des patients

Publié le 05/07/2018
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sexualité

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Crédit photo : Phanie

« La grande majorité des pathologies neurologiques s'accompagne de troubles sexuels, chez les hommes comme chez les femmes, rappelle le Pr Pierre Denys. Et ces troubles sont à l'origine d'une demande très forte des patients, la première un an après l'accident chez les blessés médullaires ».

Or de façon générale, les troubles de la sexualité sont très largement sous-traités, notamment parce que ce sujet n'est pas abordé en consultation, « alors que des solutions existent et qu'elles fonctionnent, souligne le Pr Denys. La sexualité est un volet majeur de la prise en charge de ces patients, elle doit s'intégrer dans une prise en charge globale, car le principal frein à la reprise d'une vie sexuelle est l'incontinence urinaire ».

Un vibreur pour enclencher l'éjaculation chez l'homme

Chez l'homme, les troubles de l'érection sont accessibles à toutes les thérapeutiques, des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 aux injections intracaverneuses de substances vasodilatatrices qui, dans ce contexte, sont remboursées. La prise en charge des troubles de l'érection ne suffit pas à elle seule. Les progrès réalisés dans la compréhension de la physiopathologie de la sexualité chez l'homme ont en effet permis de mettre en évidence la dissociation entre sensations, érection, éjaculation et orgasme en cas de pathologie neurologique, alors qu'il existe en temps normal une certaine forme de continuum. En cause la perte d'activation ou la destruction du générateur spinal de l'éjaculation, qui fait que l'éjaculation n'est conservée que chez 15 % des paraplégiques et tétraplégiques. « Il faut donc activer ce générateur, ce qui se fait en utilisant un vibreur qui enclenche l'éjaculation. Ceci est important dans un objectif de récréation, mais aussi de procréation, indique le Pr Denys. Aux États-Unis par exemple, le large recours au vibreur a permis de réduire les taux de fécondation in vitro en permettant une conception sans aide médicale dans la moitié des cas ».

Une meilleure gestion de la grossesse

Chez les femmes, la physiologie est très différente, car l'innervation des organes génitaux dépend en partie du nerf vague, ce qui permet de shunter la moelle épinière et par ailleurs la physiologie de la réponse sexuelle féminine est très différente de l'homme. La restauration d'une fonction orgasmique découle donc surtout d'une éducation en termes de sexualité dont l'impact est en cours d'étude dans un essai multicentrique contrôlé en France. En termes de procréation, la grossesse a pendant longtemps été considérée comme une source de complications majeures. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, sous réserve d'un accompagnement étroit, avec la mise en place de mesures de prévention des infections urinaires, le recours éventuel à un fauteuil électrique le temps de la grossesse, la gestion du mode d'accouchement, la collaboration étroite avec les équipes d'obstétrique et d'anesthésie et l'aide apportée par les pairs. « La grossesse fait désormais partie du projet de vie de nombreuses femmes », rapporte le Pr Denys.

« Le handicap neurologique ne se limite pas à son aspect moteur. Il est important de développer l'information et la formation des praticiens, ainsi que la lisibilité des réseaux de prise en charge pour développer la vie sexuelle ».

D’après un entretien avec le Pr Pierre Denys (Garches)

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin: 9679