C'est parti depuis mercredi pour les primaires de la droite ! À mesure que s'approchent l'échéance du 20 novembre prochain, les candidats dévoilent leur programme. Tous assurent que la santé fait partie de leurs priorités. Et pourtant, leurs propositions peinent à se distinguer des idées et politiques menées ces dernières années.
À droite, la bataille des primaires a véritablement commencé. Avant même que les candidats ne voient leur dossier de candidature validé, le 21 septembre, tous se sont emparés des sujets qui comptent dans un programme présidentiel.
En matière de santé, les projets d’Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire, François Fillon, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-François Copé ou encore Jean-Frédéric Poisson ne sont pas tous de la même ampleur.
Certains, comme le candidat du Parti Chrétien-Démocrate, se résument à quelques grands principes illustrant leur courant. Jean-Frédéric Poisson entend ainsi se distinguer de la politique menée par Marisol Touraine en « redonn(ant) la priorité à l’accueil de la vie (…), donc faire de la baisse du nombre d’avortements un objectif de santé publique ».
« Il faut faire de la baisse du nombre d’avortements un objectif de santé publique »
D’autres candidats ont un programme bien étoffé sur le sujet, comme prêt à l’emploi. Dans son « contrat présidentiel » d’un millier de pages, présenté les 17 et 18 septembre derniers à Sète, Bruno Le Maire consacre l’un de ses « douze chantiers de long terme » à l’amélioration de « la qualité de notre système de soins » qu’il détaille dans une quinzaine de fiches thématiques.
Tous pour la suppression du TPG
Une chose fait toutefois, sans conteste, l’unanimité chez les candidats à l’investiture des Républicains : la suppression du tiers payant. Une abrogation qui revient dans chacun des programmes, de la réaffirmation du « paiement direct des honoraires au médecin par le patient », chez Alain Juppé, au souhait de Bruno Le Maire de « mettre fin à l’obligation généralisée de tiers payant pour revenir à un système incitatif ». Très virulent sur la dispense d’avance de frais, Nicolas Sarkozy avait même assuré, lors d’une matinée de travail organisée par Les Républicains en mai dernier sur le thème de la santé, qu’il s’agirait d’une abrogation immédiate, instantanée de « cette idée folle » du tiers payant. Une promesse qu’il a d’ailleurs réitéré le 19 septembre lors de la visite d’un centre de radiologie.
Quant au reste des dispositions de la réforme de Marisol Touraine, il n’en est désormais plus vraiment question ouvertement. Les candidats ne manquent pas une occasion de rappeler leur attachement à l’exercice libéral de la médecine et leur volonté de valoriser les initiatives portées par les professionnels sur le terrain, une façon de rassurer les médecins, encore échaudés par la dernière loi de santé. Et les candidats aux primaires d’ajouter leur souci majeur, comme François Fillon l’a confié au Généraliste, de « restaurer la confiance avec les professionnels de santé ». Et pour joindre le geste à la parole, l’ancien Premier ministre participe d’ailleurs ce week-end, et pour la deuxième fois, au Congrès du SML, rendez-vous dont l’ambition n’est autre, cette année, que de placer « la médecine libérale au cœur de la Présidentielle » et auquel Jean-François Copé a également répondu présent.
Dans la même veine, Alain Juppé pose, en préalable à toutes ses propositions en matière de santé « la base : renouer la confiance entre les professionnels de santé et les pouvoirs publics ». Plus de 20 ans après le fameux « plan Juppé » qui a laissé un souvenir douloureux chez les médecins et un an après avoir fait son mea culpa lors des Rencontres de La Baule, l’ancien Premier ministre ajoute aux gages qu’il donne à la profession « la pérennité des valeurs qui fondent la médecine française ». Et entend « mieux valoriser l’exercice libéral ».
Sarko vise la médecine de proximité
« Désormais, le temps de la médecine libérale est venu », assène également Nicolas Sarkozy. Pour l’ancien Président de la République, s’il s'est « engagé dans la réforme de l’hôpital » lors de son premier quinquennat, il garantit qu’à l’avenir « notre politique de santé sera surtout axée sur la médecine de proximité ». Dans son livre « La France pour la vie », paru l’hiver dernier, il annonçait déjà la mise en place, dès l’été 2017, d’un plan « médecine libérale 2020 » chiffré à un milliard d’euros. Sans se risquer à de telles promesses financières, ses concurrents mettent eux aussi l’accent sur la médecine de ville.
« Doit-on continuer la culture du tout-gratuit, souvent source de gaspillage ou faut-il davantage de responsabilisation des patients et des professionnels de santé ? »
Et ses corollaires : parcours de soins, coordination entre professionnels, lutte contre les déserts médicaux… Sans oublier les généralistes à qui François Fillon garantit « une juste rémunération à la hauteur de leur engagement, leurs compétences et leurs responsabilités ». Outre le maintien de la ROSP « éventuellement revue à la hausse et élargie », l’ancien ministre des Affaires sociales de Jacques Chirac suggère d’intégrer dans la convention « des critères d’évaluation des missions remplies au-delà de l’acte de base (objectifs négociés, missions de santé publique) ».
Juppé pour la revalorisation de l'acte
Alain Juppé promet, lui, de « reconnaître l’acte médical comme prestation intellectuelle d’expertise et le revaloriser à l’occasion des renégociations des conventions médicales ». Une formule un peu ambiguë alors que les partenaires conventionnels viennent justement de s’accorder sur un texte.
« « Renouer la confiance entre les professionnels de santé et les pouvoirs publics »
Les « centres ambulatoires universitaires » de NKM
D’un programme à l’autre, les intentions sont sensiblement identiques sur le fond. Balayant un large spectre de l’activité des médecins de famille, elles s’inscrivent davantage dans l’air du temps. Pour preuve, les maisons de santé. Modèle d’organisation, parfois cantonné par la droite aux déserts médicaux, il fait figure d’élément incontournable aujourd’hui. Pour Bruno Le Maire, il s’agit non seulement d’un remède à la désertification médicale mais également d’un mode d’exercice parmi d’autres, répondant aux aspirations de diversification des jeunes.
« C’est au sein des centres ambulatoires universitaires (CAU) que les médecins généralistes auront leur formation clinique pendant l’internat »
Le Maire veut réformer les études médicales
Régulièrement sous le feu des critiques, les études de médecine ne font qu’une timide apparition dans les projets. Mais tout de même, il y a de la réforme dans l'air... Alors que le maire de Bordeaux se contente de vouloir « faire évoluer le programme des études de médecine et des autres professionnels de santé, afin de faire une plus grande place à la prévention », Bruno Le Maire envisage, pour sa part, « une réforme ambitieuse de la formation initiale et continue ». Elle passerait notamment par la mise en place d’une présélection régionale conditionnant l’accès à la PACES, par l’organisation d’épreuves classantes, non plus nationales, mais régionales, et par davantage de stages au sein des cabinets libéraux.
Dans un document préfigurant son programme intitulé « vers un système de santé fondé sur la liberté et la responsabilité », François Fillon exprime lui aussi son souhait de « revoir l’ensemble des formations en santé ainsi que la sélection, notamment par des mesures proactives dès la formation initiale (stages de découverte et compagnonnage), incitatives (rémunération des stages, prise en charge du transport, aide au logement) et de flexibilité ».
« Le programme des études de médecine doit évoluer afin de faire une plus grande place à la prévention »
C’est finalement dans la façon d’envisager la relation médecin-patient que les candidats se démarquent : pas tant entre eux que par rapport au système actuel. La notion de responsabilisation du patient apparaît comme un leitmotiv largement partagé et tout autant décliné. Mais sans que les objectifs soient véritablement explicités. « Doit-on continuer la culture du "tout gratuit" souvent source de gaspillage ou faut-il davantage de responsabilisation des patients et des professionnels de santé », s’interroge Nicolas Sarkozy ? Afin que notre système « généreux » le reste, il souhaite, notamment, « que les patients s’engagent dans un contrat avec l’Assurance Maladie et les complémentaires de bonne gestion de leur santé »…
Dans le même sens, Bruno Le Maire appelle à la « responsabilisation de tous, patients comme professionnels de santé ». Il évoque d’ailleurs la création d’une pénalité financière infligée à « ceux qui se rendront directement aux urgences hospitalières sans avoir vérifié au préalable (…) que leur état le justifie et qu’aucune autre solution de prise en charge ne s’offre à eux ». Et François Fillon de franchir le pas : « Les patients seront responsabilisés par l’introduction d’une franchise maladie universelle dans la limite d’un seuil et d’un plafond ».
Dans le cadre du parcours de soins des patients chroniques, Nathalie Kosciusko-Morizet « propose la création d’un contrat thérapeutique entre un médecin coordinateur et le patient (…). Signé au moment de la déclaration de l’ALD à l’Assurance Maladie, ce contrat constituera un engagement commun du soignant et du soigné qui s’inscrira dans la durée pour optimiser le parcours », détaille, succinctement, la candidate.
L'équilibre, nouveau dogme de Fillon
De ces aspects découle la question du financement. Un pan sur lequel les diverses propositions piochent dans un corpus libéral, rarement autant utilisé par la droite. Conseillée par l’économiste Frédéric Bizard, Nathalie Kosciusko-Morizet plaide pour une refonte du système de « financement des dépenses », celui « actuel à deux étages (étant) coûteux, peu efficace et de moins en moins solidaire ». Elle suggère, sans plus de détails, « un système avec un payeur unique par prestation de santé, un contrat homogène standard défini par le Parlement pour couvrir le panier de soins qui sera financé par les organismes d’assurance privés ». François Fillon prône, pour sa part, l’instauration d’une « règle d’or imposant l’équilibre des comptes pour les dépenses d’assurance maladie ». Suivant cet objectif, il suggère de redéfinir « les rôles respectifs de l’Assurance Maladie et de l’assurance privée : focaliser l’Assurance maladie notamment sur les affections graves ou de longue durée, le panier de soins "solidaire ", et l’assurance complémentaire sur le reste, le panier de soins.
" individuel ".
Quant à Bruno Le Maire, il a expliqué mercredi devant l’Association des Journalistes de l’Information sociale qu’il se faisait fort de faire 16 milliards d’économies via des franchises à l’hôpital et des économies de fonctionnement. Et si Alain Juppé entend « maintenir le niveau global de remboursement des dépenses par l’Assurance Maladie », Nicolas Sarkozy a d’ores et déjà annoncé le passage de la prise en charge des dépenses de santé par la CNAM de 76 à 73 %, avant l’intervention des complémentaires. Il entend également mettre un terme, purement et simplement, à l’Aide médicale d’État, tout comme le réclame depuis de nombreuses années Jean-François Copé, alors que leurs challengers parlent plutôt de la réformer. Mais l'ancien Président n'a jamais fait dans la demi-mesure. Du moins quand il est en campagne électorale...
« Mettre fin à l’Aide médicale d’Etat »