Je me permets de vous écrire suite à votre entretien avec Monsieur Thomas Lilti (« Dr Thomas Lilti : " Je n'ai jamais été totalement heureux dans la pratique de mon métier" », « Le Quotidien du Médecin » N° 9884 du vendredi 29 janvier 2021). Je n'aborderai pas ses compétences en tant que réalisateur, même si, ayant vu ses films, j'ai trouvé sa vision de la médecine souvent rétrécie, parfois erronée, notamment par une vision parisiano et hospitalo-centrée.
Pour en revenir à l'entretien, je ne crois pas qu'un diplôme de doctorat en médecine fasse de lui un médecin. Pour cela, il faut également la pratique de la médecine, un exercice qui, semble-t-il, n'a jamais convenu à Monsieur Lilti. Par ailleurs, je rappelle que notre profession est ordinale et sa pratique relève d'une inscription auprès de l'Ordre.
J'estime qu'il est tout à son honneur d'avoir voulu aider les soignants face à la crise sanitaire actuelle en proposant ses compétences au milieu hospitalier. Cependant, je trouve assez présomptueux de la part de Monsieur Lilti d'émettre un jugement sur une formation dont il a pu profiter sans jamais - ou quasiment - en rendre les fruits auprès des malades et dont il reconnaît « ne pas précisément connaître le contenu de la réforme en cours ».
Concernant son avis sur l'organisation de la santé sur le territoire - fin de la liberté d'installation, avec plusieurs années d'exercice « contraint » en zones moins dotées en médecins : paradoxe amusant de vouloir obliger des jeunes médecins quand on n'a soi-même quasiment jamais exercé le métier pour lequel on a été formé et diplômé par les bons soins de notre université. Quand on sait qu'il existe 15 000 postes pourvus aux ECN entre 2004 et 2010 et qu'on ne retrouve en réalité que 9 000 confrères arrivant en exercice (source CNOM, CNG), pourquoi, dans la logique de Monsieur Lilti, ne demande-t-on pas à ces personnes d'exercer leur travail dans ces zones ? Personnellement, je pense que cette question de la liberté d'installation reste primordiale et qu'il nous faut la défendre afin de ne pas créer de rancœur et de zones de médecine « au rabais ».
Ce n'est pas aux jeunes médecins de payer les pots cassés des erreurs de nos politiques. Forcer une installation ne sera jamais une bonne solution.
Et la confraternité ?
Par ailleurs, si Monsieur Lilti souhaite se considérer comme un médecin, il pourrait être bien inspiré de relire notre serment et de mieux réfléchir à la notion de confraternité. Notamment quand il évoque le manque de culture des médecins. C'est justement suite au brassage social né, entre autres, des QCMs qu'on se retrouve avec des médecins d'horizons sociaux divers et qui ne répondent pas tous aux standards culturels de Monsieur Lilti. On peut le regretter et lorgner sur le temps jadis mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une évolution montrant la diversité des milieux socioculturels dont sont originaires les médecins français actuels, ce qui est plutôt favorable dans l'exercice.
Sa vision est peut-être dépendante d'une formation dans les milieux universitaires parisiens et je n'ai personnellement pas eu ce ressenti dans ma formation, en province, à Rouen, puis Bordeaux. En revanche, je regrette également que le médecin ne prenne plus assez en considération son rôle social au sein des communautés dans lesquelles il exerce mais je ne crois pas qu'il faille en tenir rigueur à notre formation très médico-centrée mais plutôt à un appauvrissement intellectuel plus global de notre société.
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Exergue : Il faut défendre la liberté d'installation, afin de ne pas créer de rancœur et de zones de médecine au rabais.
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