Attaques chimiques, biologiques, nucléaires…

Des risques terroristes à prendre en compte

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Publié le 11/06/2018
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NRBC

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Crédit photo : PHANIE

L'analyse des attentats du métro de Tokyo au gaz sarin a généré de nombreuses publications après 1995 et conduit à la rédaction de recommandations sur l'organisation de la prise en charge des victimes potentiellement exposées à une contamination NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique). « Le premier enseignement à tirer a été l'inefficacité de l'organisation des secours telle qu'on la concevait, c'est-à-dire avec un triage des patients sur le lieu de l'évènement et une orientation régulée », constate le Pr Frédéric Lapostolle (SAMU 93, hôpital Avicenne, Bobigny).

Double peine pour les services

Après une attaque, les personnes fuient vers les hôpitaux les plus proches ; c'est ce qu'on a observé lors des attentats à Paris où les premières victimes valides sont arrivées directement aux urgences de proximité, provoquant la désorganisation des services. Mais, tandis qu'après un attentat par armes blanches ou armes à feu, le risque de suraccident est faible, celui-ci devient majeur après une attaque chimique, bactériologique ou toxique. À Tokyo, certains hôpitaux ont reçu jusqu'à 500 personnes en une dizaine de minutes, ce qui est déjà difficilement gérable... Puis c'est la contamination du personnel, non préparé, non protégé, qui a atteint 40 % dans certains établissements, a achevé de désorganiser totalement les services.

« Les recommandations ne doivent pas être calquées sur nos schémas habituels ; c'est à nous de nous adapter en accordant une place centrale à la préparation et la protection du personnel pour ne pas aggraver l'accident initial », souligne l'urgentiste. Classiquement, les victimes sont décontaminées sur place puis transférées à l'hôpital. Désormais, on sait qu'elles se rendent aussi directement à l'hôpital, ce qui oblige à identifier le risque NRBC, à faire face à un afflux massif de patients et à mettre en place la chaîne de décontamination à l'arrivée de l'hôpital pour le préserver de la contamination. Il est donc indispensable d'informer et d'entraîner l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux des services d'urgence pré- et intrahospitaliers mais aussi de toutes les structures amenées à intervenir comme la police, les pompiers, les militaires, etc.

Une chaîne de décontamination

En pratique, après un attentat NRBC, le personnel doit revêtir une tenue de protection, et les victimes sont déshabillées totalement en limitant l'aggravation de leur contamination par leurs propres vêtements : on les retire vêtements en les découpant et non par la tête. Elles sont ensuite passées à la douche décontaminante, associée éventuellement, en fonction de la nature du risque, à d'autres types de décontamination avec des produits spécifiques.

La contamination peut être complexe, comme dans le cas de l'attentat au gaz sarin, puisque les personnes ont été contaminées à la fois par inhalation et par imprégnation du gaz sur leurs vêtements. Ce même schéma s'applique au risque bactériologique. Toute la difficulté est de mettre en œuvre des processus de décontamination qui soient adaptés à la situation, sachant qu'il vaut mieux décontaminer trop que pas assez.

Entretien avec le Pr Frédéric Lapostolle, SAMU 93, hôpital Avicenne (Bobigny)

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin: 9672