À 62 ans, Bernard Pino est le candidat le plus âgé à avoir passé les ECNi 2018. Classé dans le bas du tableau (8338e sur 8 706 candidats), celui qui se réserve à la médecine générale raconte au « Quotidien » son parcours atypique, son rapport aux études (et aux étudiants) et ses projets. « Je suis très heureux à l'idée de devenir bientôt médecin », explique le sexagénaire.
LE QUOTIDIEN : Vous venez de passer les ECNi à 62 ans, ce qui n'est pas commun. Pourquoi ce choix ?
BERNARD PINO : J'ai commencé médecine il y a 30 ans à Lyon Sud mais j'ai dû arrêter en sixième année. J'avais des soucis d'organisation, d'argent. Et puis il y a eu la vie, les enfants, quatre précisément. Pendant 30 ans, j'ai travaillé dans le numérique, l'édition, la publicité. Je n'ai jamais quitté le monde de la santé, dans ma tête en tout cas !
J'ai repris mes études à la faculté de Brest lorsque ma dernière fille a eu 14 ans. Le doyen m'a proposé de reprendre en sixième année puis de repasser les ECNi mais j'ai refusé. On a négocié une reprise en fin de troisième année. J'ai donc repassé des matières que j'avais déjà validées, sauf que 30 ans plus tard, ça n'a plus rien à voir !
Comment vous êtes-vous préparé ? Le stress est-il le même à 25 ans qu'à 62 ans ?
Je n'ai rien fait ! Je n'ai suivi aucune conférence, relu aucun cours, j'ai passé zéro minute et zéro seconde à réviser les ECNi ! J'habite à 100 km de la fac, j'ai laissé tomber l'année dernière le studio que je louais à Brest jusque-là. Je ne dois pas ma réussite à mes qualités propres, somme toute limitées, et puis, j'ai perdu quelques neurones avec les années ! Le soutien de ma famille et de mes proches a beaucoup joué. Mes enfants, qui réussissent brillamment leurs études, m'envoyaient des textos de soutien pendant les examens, je leur rendais la pareille pendant les leurs !
Un commentaire sur votre rang ? Vous êtes loin d'être major…
Je sais que je suis 400 places avant la fin, ce qui ne me fait ni chaud ni froid ! Les ECNi sont un concours de classement, pas un concours d'apprentissage ni de compétence. Le premier, on l'appelle docteur, le dernier, on l'appelle aussi docteur. C'est un bon système. J'ai obtenu le droit d'être interne en médecine générale, je suis libre de décider où je souhaite aller. Mon classement n'est pas un handicap pour moi. Je pense d'ailleurs qu'on apprend mieux à l'hôpital de Carhaix que dans n'importe quel grand CHU.
Comment s'est passé l'externat ?
Je n'avais pas beaucoup de copains, car je ne vis pas en communauté. Vu mon grand âge, je ne pouvais pas participer aux soirées du jeudi soir, où on boit jusqu'à plus soif ! Moi, après les ECNi, j'ai bu deux verres et c'était fini ! Mon âge intimide également beaucoup de mes co-externes. Quand je me pose des questions sur la vie, la mort et l'amour, eux sont dans les études. Parce qu'ils veulent bien faire, ils ne parlent que de ça, tout le temps !
J'ai davantage de relations avec les chefs de service. Ils portent sur moi un regard bienveillant et amusé. Je n'ai jamais utilisé mon âge pour avoir des congés ou le droit de parler plus qu'un autre. Un chef m'a donné un jour un bon conseil : toujours garder en tête que malgré mon âge, je suis un étudiant en médecine et rien d'autre. C'était important de s'en souvenir, spécialement vis-à-vis des patients, qui peuvent penser que je suis plus expérimenté que les autres parce que je suis plus vieux, ce qui est faux.
Plus généralement, je trouve que le cursus de médecine en 2018 fait plaisir à voir ! Les aspirants sont motivés, impliqués, le doyen veut faire apprendre… Il y a 30 ans, les études étaient gangrenées par le poison permanent du mandarinat, c'était une calamité. D'ailleurs, les chefs de service d'aujourd'hui sont les fils des patrons d'autrefois.
Vous allez donc devenir généraliste à l'âge ou certains prennent leur retraite…
Ma perspective de carrière est limitée dans le temps ! Je ne vais donc pas m'installer et laisser tomber les patients dix ans après, ce ne serait pas honnête. J'ai décidé de faire des remplacements longue durée. Ce que je veux, c'est m'occuper des patients. J'aime l'idée d'imprimer ma marque quelque part, pas au fer rouge, mais d'apporter en quelque sorte ma contribution à la société. J'ai toujours fait les choses par passion, et non par argent. Je suis maintenant en vacances, mais j'ai commencé à préparer l'internat, je lis, je m'informe. Je suis très heureux à l'idée de devenir bientôt médecin.
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