La licence d'office, un outil délicat rarement utilisé

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Publié le 25/06/2021
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La licence d’office est encadrée par l’article 31 de l’accord sur les ADPIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce), dont sont signataires la majorité des pays en tant que membres de l’Organisation mondiale du commerce.

Il existe deux termes en français pour décrire le dispositif permettant l’utilisation d’un brevet sans autorisation du titulaire : la licence obligatoire (un pays demande à un autre de produire le médicament sous licence) et la licence d’office (un pays lève la propriété intellectuelle pour produire chez lui).

Le droit de propriété intellectuelle sur les brevets n’est pas absolu : il peut être assoupli par dérogation « dans des situations d’urgence nationale ou d’autres circonstances d’extrême urgence ou en cas d’utilisation publique à des fins non commerciales ». La définition d’une circonstance urgente est laissée à l’appréciation de chaque État membre. La licence d’office n’a été que rarement utilisée mais l’épidémie de sida lui a donné un coup de fouet. En 2003, la Malaisie a ainsi obtenu une licence obligatoire pour confier à l’Inde la production d’anti­rétroviraux. Entre 2007 et 2009, le Brésil a fait de même avec l’éfavirenz, avant de passer à une licence d’office une fois en capacité de le produire lui-même.

Des cas bien précis

Selon l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, quelque 156 pays en 2019 reconnaissent un dispositif de licence obligatoire et/ou d’office. En 2018, l’Office européen des brevets (OEB) a recensé une poignée de jurisprudences de licence d’office accordées pour des médicaments en Union européenne. Dans de nombreux cas, ces licences d’office font suite à des conflits entre propriétaires d’un brevet et une autre entreprise produisant le médicament sans y être autorisé. Le législateur a pu considérer qu’un besoin n’était pas couvert et a arbitré pour une licence d’office contre un dédommagement.

En 2017, la Cour fédérale de justice allemande a validé, pour la première fois, la licence d’office accordée pour le raltégravir, un inhibiteur de l’intégrase du VIH. L’objectif était que le médicament reste disponible sur le marché allemand en dépit de l’arrêt de commercialisation par le titulaire des droits.

Au Danemark, deux décisions similaires ont été prises. La première en 1943 pour l’isopropylantipyrine, un antalgique et antipyrétique dont la disponibilité avait été perturbée par la seconde guerre mondiale. L’autre en 1966 concernait la phénylbutazone jugée insuffisamment exploitée. En 1990, une licence d’office a été accordée par la justice irlandaise pour le carboplatine.

La France ne figure pas sur la liste des pays ayant déjà accordé une licence d’office. Mais les associations en ont fait la demande en 2014 face aux prix très élevés des nouveaux antiviraux contre l’hépatite C. Après plusieurs semaines de campagnes médiatiques, les prix ont été revus à la baisse.

D.C.

Source : Le Quotidien du médecin