Plusieurs paramètres attestent de son bien-être

Le généraliste des Pays-Bas, le plus heureux d'Europe ?

Publié le 13/01/2020
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Un rôle central dans les soins, le respect des patients et des confrères, un poids dans les négociations avec les payeurs… Les confrères du plat pays semblent avoir trouvé le bon équilibre pour s’épanouir dans leur spécialité reconnue depuis 1971. Aux détriments des spécialistes ? Peut-être un peu.

Crédit photo : AFP

Pourquoi les généralistes néerlandais seraient-ils les plus heureux d’Europe ? Et pourquoi les jeunes étudiants en médecine choisissent la médecine générale avant la pédiatrie ou la médecine interne au moment de leur internat ? Pour un ensemble de raisons qui fait que cette fonction est reconnue par les patients, les confrères et les décideurs politiques et assurantiels, suggère le BMJ. La revue publie à ce propos un texte signé du Dr Wendy Borneman (généraliste à Hertogenbosch) et un entretien audio avec le Pr Roger Damoiseaux (Utrecht) qui permettent de mieux appréhender la place des généralistes dans ce pays.

Syndiqués à 90 %

La spécialité de médecine générale a été créée en 1971 aux Pays-Bas. Tous les 5 ans, les généralistes passent par un processus de recertification qui nécessite une pratique médicale au moins de deux jours par semaine et le suivi de 50 heures de programme de formation médicale continue. Comme l’explique le Pr Damoiseaux, « ce qui fait la force des généralistes c’est leur union. La société savante de médecine générale propose des recommandations propres aux généralistes qui sont partagées avec les spécialistes et les payeurs, c’est-à-dire cinq grands groupes assurantiels privés coordonnés par le ministère de la Santé. Mais ce n’est pas tout : 90 % des généralistes sont syndiqués ce qui permet d’avoir une force tout à fait représentative dans les négociations avec les assurances ».

60 % de capitation

Les généralistes néerlandais sont installés dans des cabinets pluridisciplinaires de ville (généralement avec des infirmières). Leur rémunération est constituée à 60 % par le revenu de la capitation (la liste de patients étant transmise chaque année aux assureurs), à 30 % par les consultations et actes et à 10 % pour les actions d’innovation. En moyenne, les médecins généralistes perçoivent 100 000 euros d’honoraires par an, (sur lesquels ils rétrocèdent une part de salaire du coordinateur de soins lorsque le cabinet y fait appel) « contre plus de 200 000 euros – soit plus que le salaire du premier ministre – pour certains spécialistes », explique le Pr Damoiseaux.

Les cabinets sont ouverts de 8 h à 17 h, les consultations durent 10 minutes avec le médecin et sont précédées d’une évaluation par une infirmière ou un assistant médical. Les généralistes effectuent des permanences de soins dans des maisons médicales ou à l’hôpital certains soirs par mois. « Désormais, les femmes sont bien plus représentées que les hommes dans la fonction de généralistes et le temps partiel est plébiscité. Il faut dire que lorsque les internes sont formés en stage, leurs enseignants les sensibilisent à l’épanouissement possible dans ce type de pratique », continue le Pr Damoiseaux. La proximité des médecins est essentielle pour les patients, puisque 78 % de la population consulte son généraliste au moins une fois chaque année et 82 % lui font parfaitement confiance.

Autre motif de satisfaction pour les acteurs de soins primaires : aux Pays-Bas, la population est particulièrement respectueuse du système de santé et les recours aux urgences ne sont pas aussi systématiques qu’en France. La continuité des soins par un même praticien est privilégiée à un accès immédiat aux soins.

Un contre-pouvoir pro-actif

Et les généralistes néerlandais ont aussi su se faire respecter. Parce qu'ils ont su, grâce à leur société savante et leur syndicat, créer un « contre-pouvoir » vis-à-vis des assurances, ils ont pu négocier afin de garder du temps clinique et d’adapter les objectifs (type ROSP : contrôle du diabète, de l’hypertension…) à leur patientèle. Le site d’information de la société savante destiné aux patients est très utilisé et il concourt à l’éducation thérapeutique proposée au cabinet. Grâce à cet outil, le nombre de consultation aurait diminué de 12 % depuis 2015.

La place de la profession dans le parcours de soins est par ailleurs avantageuse. Les généralistes néerlandais concentrent leurs actions sur leurs patients ambulatoires : ainsi ils ne délivrent pas d’arrêts de travail (qui dépendent des médecins du travail), ils ne prennent pas en charge les patients institutionnalisés (qui sont suivis par les médecins de maison de retraite), et ils ont un accès facilité aux spécialistes puisque les patients doivent impérativement consulter leur généraliste pour obtenir par la suite un avis spécialisé.

Peut-on imaginer que toute l’Europe devrait prendre exemple sur les Pays-Bas ? Pour le Dr Borneman, « l’absence d’attitude consumériste des patients, le coût limité des logements, la place importante de l’épanouissement personnel sont autant de facteurs culturels spécifiquement néerlandais qui font que notre modèle ne peut pas être considéré comme la panacée pour tous les pays européens ».

Villaneuva T, McCarthy Mary, Borneman W. General practice is a highly respected specialty in the Netherlands—what is the secret formula? BMJ 20 novembre 2019
Arie S, Damoiseaux R, McCarty M. Why are Dutch GPs so much happier? BMJ 2015; 351 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.h6870 BMJ 2015;351:h6870
Spoelman W, Bonten T, de Waal M et coll. Effect of an evidence-based website on healthcare usage: an interrupted time-series study. BMJ http://dx.doi.org/10.1136/bmjopen-2016-013166

Dr Isabelle Catala

Source : Le Quotidien du médecin