Vous venez de rendre un rapport pour la sauvegarde des antibiotiques, pourquoi ce travail alors qu’un plan antibiotique est en cours ?
Dr Jean Carlet Nous avons été missionnés par Marisol Touraine début 2015. Face à l’évolution défavorable des consommations d’antibiotique qui repartent à la hausse et à l’augmentation régulière de la résistance y compris en ville, la ministre a considéré que le problème était grave et nous a demandé de faire des propositions innovantes et concrètes pour renforcer la lutte contre l’antibiorésistance
Un des grands axes du rapport concerne l’amélioration du bon usage des antibiotiques. À ce titre, les généralistes sont-ils particulièrement ciblés ?
Dr J. C. Cela s’adresse à tous les prescripteurs mais les médecins généralistes sont particulièrement concernés car ils sont à l’origine de 80 % des prescriptions avec des consommations en médecine ambulatoire bien plus importante que celles d’autres pays. On consomme plus que la moyenne européenne et beaucoup plus que les pays les plus vertueux. Il y a donc un effort particulier à faire par les généralistes en France, à la fois en ville mais aussi dans les Ehpad où énormément d’antibiotiques sont prescrits sur des durées souvent beaucoup trop longues.
Comment expliquer cette exception française en matière de consommation d’antibiotiques ?
Dr J. C. Il existe un phénomène culturel français en matière de consommation de santé en général. Dans notre pays, les médecins comme les malades adorent les médicaments. Il y a aussi un problème de prise de risque. Alors que dans certains pays il est tout à fait admis de prendre un petit risque en ne prescrivant pas d’antibiotique quitte à voir ce qui se passe 48 h plus tard, les prescripteurs français n’ont pas cette culture-là. De leur côté les patients ont du mal à appréhender l’antibiorésistance car ce n’est pas une maladie en soit. À ce titre, les données récentes de l’InVS qui chiffrent pour la première fois en France la morbidité et la mortalité imputables à l’antibiorésistance – près de 13 000 malades/an – pourraient changer la donne et entraîner un électrochoc.
Une part importante du rapport est consacrée au coût des surprescriptions d’antibiotiques. Derrière la volonté de sauver les antibiotiques, n’y a-t-il pas aussi un objectif de réduction des dépenses ?
Dr J. C. Non, l’objectif du rapport n’est clairement pas de faire des économies d’autant que les coûts dans ce domaine ne sont pas monstrueux avec par exemple un surcoût imputable aux surprescriptions de « seulement » 450 millions d’euros par rapport aux pays européens les plus vertueux. Chiffrer ces coûts est plus une façon de documenter et d’évaluer le problème qu’une mesure comptable.
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