Dr Jacques Lucas, délégué général au numérique au CNOM : « Il faut veiller à ce que l’on poste »

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Publié le 30/11/2018
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Qu’est-ce que Twitter a apporté aux généralistes dans leur pratique ?

Dr Jacques Lucas. Twitter a plusieurs avantages indiscutables pour les médecins. Des praticiens isolés ont, grâce à ce réseau, fini par se connecter à une communauté. On le voit avec le hashtag #Docstoctoc. Lorsqu’une difficulté survient en consultation et que le médecin a besoin d’être conforté dans une décision, cet outil marche très bien. Les avis confraternels sont postés selon les dires ou photos qu’il envoie. Libre à lui de les interpréter ensuite.

Quelles précautions le généraliste doit prendre lorsqu’il échange sur un patient via Twitter  ? Doit-il rester anonyme ?

Dr J.L. Du point de vue ordinal, il faut s’assurer que les données transmises demeurent strictement anonymes afin que la personne ne puisse pas se reconnaître. Nous avons publié un livre blanc relatif à la déontologie médicale sur le web pour l’expliquer. L’argument exposé par les partisans du pseudonymat est que s’ils échangent des données médicales sur un patient, celui-ci ne peut pas être reconnu car l’identité du médecin qui poste est masquée. C’est un argument tout à fait recevable. En revanche, attention à ne pas en abuser. Il faut veiller à ce que l’on poste sur Twitter. Ce n’est pas parce qu’on reste anonyme qu’on peut se lâcher. Cela peut virer à la dénonciation anonyme, ce qui n’est pas déontologique.

Des photos de lésions sont souvent postées par des médecins. Ceci est-il conforme au secret professionnel ?

Dr J.L. À partir du moment où l’identité formelle du patient n’est pas affichée, le médecin peut utiliser des photos à titre iconographique, comme cela se fait en FMC. On ne peut pas considérer là qu’il s’agit d’une atteinte au secret médical. Nous précisions toutefois qu’à partir du moment où un patient se reconnaît et veut que la photo soit effacée, il est de bonne courtoisie de supprimer la photo.

Twitter est-il une nouvelle forme de formation continue pour les médecins ?

Dr J.L. Je pense que oui. Ce n’est pas une formation continue formalisée mais c’est similaire à ce que l’on observe dans les cabinets de groupe. Lorsqu’un médecin est confronté à une interrogation, il fait « toctoc » à la porte d’un confrère. Sur Twitter, c’est la même chose, de façon virtuelle. On voit passer des clichés thoraciques, de lésions cutanées, des tracés ECG et des micro-histoires cliniques avec des données biologiques…

Quels sont les pièges à éviter sur Twitter quand on est médecin ?

Dr J.L. La formation de « communautés » doit forcer notre vigilance. Elles entraînent parfois un suivisme qui vire à l’autocensure. Certains ne vont pas s’exprimer par peur intuitive de transgresser les codes et ne plus plaire. La véhémence qui s’exprime parfois est aussi un point négatif. Certaines joutes écrites dépassent le cadre professionnel. Si Twitter devient une discussion de café du commerce, cela ne s’apparente plus à des échanges entre confrères et c’est dommage. Selon moi, le recul et l’humour sont à privilégier.

Propos recueillis par Camille Roux

Source : Le Généraliste: 2853