Un des principaux moteurs de la réussite d’une prestation médicale est la relation qui s’établit entre le patient et son professionnel de santé. On peut être le meilleur aux ECN, avec une mauvaise relation, le résultat sera le plus souvent catastrophique, alors que l’inverse donnera le plus souvent un excellent résultat. Qui n’a jamais entendu : « Docteur, vous m’avez sauvé la vie », alors que vous n’avez - apparemment pour vous - rien fait ; qui n’a jamais entendu : « Docteur, je change de médecin car il a failli me tuer », alors qu’en réalité, il a tout fait - malhabilement aux yeux du patient - pour le sauver !
La notion à la mode de conflit d’intérêts, assimilée à ces petits cadeaux offerts par nos patients qui lient le médecin à son patient, mais surtout - de façon non dite - à cette « empathie » et à la « compassion » du médecin qui lient le patient à son médecin, est un des mobiles de cet assassinat. Intérêt stupide et faux en termes de pièces sonnantes et trébuchantes, contre intérêt du patient en termes de bien-être.
Vision administrativo-politique en particulier hospitalière, cette relation doit donc devenir la rencontre d’un numéro avec le spécialiste-dieu-de-vérité que les patients numérotés réclament de plus en plus, manipulations obligent.
La rencontre d'une « confiance » avec une « conscience »
Vision médicale, en particulier généraliste lieu où l’on élargit le cadre, on parle plutôt d’une rencontre d’une « confiance » avec une « conscience ». Mais cette description n’est-elle pas une tentative malhabile et désespérée de sauvetage de cette relation particulière, de cette relation patient-médecin qui est au cœur de la fonction de médecin ? Une présomptueuse description dont le premier terme flatte et le second transcende le médecin ?
Pourquoi les généralistes parlent d’une « confiance » pour un patient, au moment où, de plus en plus, il consulte directement spécialistes et hôpitaux, il remet en question diagnostics et prescriptions, il porte de plus en plus plainte… la confiance ne peut être une injonction… Et ne faut-il pas être inconscient dans le monde actuel pour livrer ses secrets ? « Docteur, le jour où vous mettrez ce que je vous dis sur le DMP, alors je vous dirais que je ne fume pas. »
La relation de deux « inconscients »
Pourquoi parle-t-on d’une « conscience » pour un médecin alors qu’il a très peu conscience de 95 % de son patient ? Alors que lui-même est aussi constitué du même pourcentage d’inconscient… certes, il lui faut une certaine conscience d’être inconscient de ce qu’il fait, c’est-à-dire d’avoir une confiance erronée (quand il fait une prescription placebo par exemple) sur la signification de ce qu’il fait ; car il faut être inconscient pour attribuer des propriétés de « vérité » à quelque chose qui n’en a pas. La particularité du médecin n’est-il pas d’avoir conscience que sa relation partagée avec un patient est surtout celle de deux « inconscients » ? « Allô, un inconscient parle à un inconscient. » Car, avant tout, c’est l’inconscient du patient qu’il faut convaincre pour qu’il se forge l’opinion que le médecin veut lui transmettre.
Le gâchis de la médecine par les preuves en coût et en iatrogénie ne vient-il pas de la seule considération scientifique que l’on a pour la partie émergée de l’iceberg humain ? Qu’au mieux l’inconscient n’aggrave que des pathologies pré-existantes qu’il suffit de traiter pour le voir s’évaporer ; au pire, responsable de fonctionnels indignes de la médecine car sans support organique objectif à traiter ; sans penser qu’il puisse être aussi l’allumette du « big bang » déclencheur de pathologies organiques. Autrefois, un patron qui avait de grosses responsabilités faisait son ulcère, ça faisait bien ; les employés se sont mis, au fil des décennies à imiter leur patron, ils font à leur tour des ulcères. Pour les patrons, c’est devenu insupportable, ils font maintenant des infarctus… ça fait mieux. Quelle sera la prochaine étape pour maintenir la séparation des classes sociales ? Alzheimer ?
L’ émergence d’une ère de post-vérité, mise en lumière par l’élection de Trump, ne traduit-elle pas la relégation par les individus, de la vérité officielle au rang de simple opinion ? Nos patients ne considèrent-ils pas qu’il y a eu Trumperie sur la marchandise ? Que ce qu’on leur vend comme étant la vérité scientifique n’est que l’interprétation des données brutes de la vérité scientifique, donc aussi, en réalité, une opinion ? L’opinion de la majorité populaire étant la vérité populaire, tout comme la vérité scientifique du moment n’est que l’opinion de la majorité scientifique.
Trumperie sur la marchandise
Et ne souffle-t-on pas aux médecins qu’il y a aussi Trumperie sur la marchandise ? Face à un nouveau médicament, ne demande-t-on pas aux prescripteurs d’avoir leur propre lecture critique pour qu’ils se fassent… une opinion ? Bien sûr, la bonne lecture est celle qui se calque sur l’avis des tutelles ; même si parfois il faut lire à travers les lignes, politiquement correct oblige. Ne nous dit-on pas que celui qui fait une expérimentation est un tricheur en puissance ? Que ceux qui contrôlent (leaders d’opinions, institutions) sont possiblement des incapables ou atteints d’un conflit d’intérêts ? Alors que le médecin prescripteur n’a en réalité aucune compétence, car ce n’est pas son métier, pour interpréter des données mathématiques brutes et complexes ; la médecine basée sur les preuves, l’Evidence Based Medicine, est un joli terme car « l’évidence » n’est pas si évidente que cela.
On tue l'interrogatoire et l'examen clinique
Malgré tout ce que l’on sait, on persiste à vouloir tuer la relation médecin-patient. On tue l’interrogatoire au motif que le discours des patients n’est pas fiable. On tue l’examen clinique au motif que hors les cas évidents, il est trop difficile de savoir examiner, quand c’est possible. Par contre, la médecine moderne - vision administrative - avec ses examens paracliniques ne ment pas. Pourtant on sait que lorsqu’elle prescrit 10 examens paracliniques, un révèle une anomalie sans importance ou in-interprétable, mais qui va devoir entraîner examens supplémentaires et prescriptions inutiles, voire dangereuses.
L'effet « placebo »
Au centre de cette relation médecin-patient, se trouve l’effet dit placebo, qui n’est rien d’autre que le langage d’un inconscient à un inconscient ; l’effet dit « placebo », est une manière élégante pour reformuler qu’on ne sait pas ce que c’est, sans le dire, donc en le classant dans les bulletins blancs des expérimentations sur les effets des médicaments, ce qui permet de l’abandonner à ceux qu’officiellement on considère comme des charlatans, le placebo étant synonyme de Tromperie. Victoire définitive de la chimie sur l’alchimie, mais victoire de moins en moins acceptée par les patients.
Pourquoi sépare-t-on la propriété placebo du médicament, de la propriété effet médecin, alors qu’il s’agit sans doute du même processus ? Par faux-semblant de respect, pour distinguer la nullité d’action scientifique attendue du premier car sans support actif, de celle du second ? En réalité, n’y a-t-il pas inversion, ne s’agit-il pas d’une seule et même propriété de l’inconscient du patient ? N’est-ce pas l’inconscient du patient qui analyse, intègre et tire les conséquences de milliers d’informations, petites ou grandes selon ses seules valeurs symboliques, des attitudes, gestes, paroles dans ses mots et intonations, des délivrances ou non de prescriptions, de la blouse blanche ou du titre de professeur plus ou moins médiatique du médecin, tout comme des couleurs, tailles, formes, conditionnements, princeps ou génériques du médicament ? Les spécialistes de la communication politique ou commerciale s’en donnent à cœur joie…. pour obtenir des résultats, sans qu’eux, parlent de tromperie. Aussi, une prescription « vide », donc une absence de délivrance d’ordonnance « papier », mais une vraie ordonnance de ne rien faire sans mot dire, n’est-il pas une ordonnance ayant même statut que le placebo, mais sans support tangible ?
La consultation, un art qui demande beaucoup de temps
Quand les patients consultent, ils viennent avec des plaintes, des certitudes, des suppositions, ils ne savent pas, ils interprètent au premier degré, ils ne comprennent rien, ils oublient de dire ou ils ont réellement oublié, ils mentent, ils manipulent…. ça demande du temps pour extorquer les informations pertinentes… Être capable de démêler le vrai du faux, admettre que tout dit ou non-dit peut être vrai ou faux, que tout symptôme présent peu faire partie ou ne pas faire partie du diagnostic à retenir, que tout ce qui est confié en ce moment précis peut venir aussi bien du conscient que de l’inconscient, est encore un art, dit métier, non subalterne, qui demande beaucoup de temps… Beaucoup plus que le quart d’heure formaté financièrement par la Sécu, quand le besoin est là. Mais pas toujours…
Elle attendait dans la salle d’attente, et quand vint son tour, elle avait disparu. Quelque temps plus tard, je lui demande pourquoi elle était repartie. « Quand je vous ai vu, j’ai pensé à ce que vous alliez me dire, et mes douleurs ont disparu, alors, j’ai pas voulu vous faire perdre du temps ». Et moi, j’ai perdu mes honoraires.
Une fois franchi le seuil du cabinet, il faut prolonger la « confiance » des patients avec laquelle ils sont venus pour que ce qu’ils transmettent verbalement ou gestuellement vienne non seulement de leur « conscient », mais aussi et surtout de leur « inconscient ».
Pleurs depuis 15 jours sans raison, depuis un déménagement. Ça sent le trouble cognitivo-comportemental. Pendant une heure d’interrogatoire ouvrant à la mise en confiance de l’inconscient, découverte d’une réprimande à l’âge de 8 ans que le conscient avait oublié, constat qu’elle venait de louer une maison exactement semblable à celle où elle avait vécu ce traumatisme et qu’elle « améliorait » inconsciemment cette maison pour inconsciemment aggraver son état… Ni anxiolytique, ni antidépresseur, un nouveau déménagement a tout fait rentrer dans l’ordre, y compris les découvertes en sus d’autres modes de vie risquant de mettre en jeu la survie de son couple, tous en rapport avec ce traumatisme.
Visite à domicile pour un nourrisson vomisseur après chaque biberon. Examen clinique normal. Que faire ? Prescription médicamenteuse, biologique ou d’imagerie, pour faire aussi bien que la science le réclame ? Non. Demande à la maman de donner un biberon pour voir ce qui se passe. En fin de biberon, inconsciente de la présence du médecin, la maman se précipite dans les WC et penche le bébé tête en avant dans la cuvette, alors qu’au cabinet médical, son conscient aurait interdit qu’elle décrive avec des mots cette action qui lui aurait paru ridicule. « Mais que faites-vous ? - Vous allez voir, il va vomir ! - Ça je veux bien le croire, mais pourquoi vous faites cela ? - Parce qu'il y a trois jours, j’ai été prise de court, il a vomi sur le canapé, et j’ai dû passer l’après-midi à le nettoyer. »
Mais la médecine moderne est loin de tout ce quotidien, elle est formatée, par nécessité de tout contrôle par l’administration. Avec des consultations standardisées dans leur contenu par des formulaires à remplir et protocoles à suivre; à durée et lieu contrôlés par leur seule tarification ; moralisées dans leurs prescriptions qui doivent répondre à des standards d’efficacité prouvés par la science devenue… administrative.
Ça fait 20 ans que dame Sécu lui rembourse, « les meilleurs soins au meilleur coût » qu’elle reçoit plusieurs fois par an. Elle a des verrues sur le dos des mains depuis son enfance, avec nombreuses cicatrices iatrogéniques ; sa nouvelle patronne lui demande de les faire soigner énergiquement car elle est devenue vendeuse en confection. Elle vient me voir, elle a entendu parlé d’une nouvelle technique par laser à 300 km de chez elle… je la décourage pour le prix et le risque d’inefficacité comme le reste ; en revanche, je lui explique la cause des verrues, lui donne des exemples de techniques de guérisseurs des plus farfelues pour les faire disparaître. Quand on parle à l’inconscient, plus c’est gros, mieux ça marche. Alors, je lui demande d’ouvrir mon Vidal, je regarde le premier médicament pour vérifier qu’il n’est pas dangereux et lui prescris une boîte. Les verrues ont toutes disparues, encore aujourd’hui…. sauf les cicatrices, signes de la médecine moderne. Heureusement que dame Sécu n’a pas su, sinon le médecin conseil se serait arrangé pour que j’ai un blâme…
Une relation qui coûte trop cher par conflit d'intérêts
Depuis les dizaines de milliers d’années qu'Homo sapiens est apparu sur terre, comment est il possible qu’il ait survécu jusqu’à minuit moins cinq sans avoir une vraie médecine scientifique ? On nous dira qu’il mourait vite et que la médecine moderne allonge son espérance de vie. C’est oublier un peu vite que la mortalité était surtout infantile par malnutrition, et infectieuse par concentration dans des villes très malpropres. C’est oublier que les autres, s’ils ne mouraient pas à la guerre, pouvaient vivre très vieux ; j’ai même un aïeul né en 1650 qui est mort à 100 ans…et il est loin d’être le seul, sans recours à la médecine moderne. Sans discréditer les apports des outils de la médecine moderne, ce ne sont sans doute pas eux qui ont le plus grand mérite quantitatif, même s’ils obtiennent les plus spectaculaires.
Les grands problèmes médicaux ont été vaincus par des moyens plutôt petits que grands : dénutrition et déshydratation infantiles, épidémies surtout liées à un manque d’hygiène. Ils sont maintenant remplacés par les conséquences des dysfonctionnements de nos sociétés modernes : malbouffe, pollution, retour des épidémies liées aux interconnexions des mégapoles. La solution sera, paraît-il, grâce à la médecine génétique, de devenir soi-même des OGM pour que l’on puisse accéder à la malbouffe, aux pesticides et consorts, à la vie concentrationnaire des villes sans être malade. La relation patient-médecin n’a plus de raison d’être, elle coûte trop cher par conflit d’intérêts. Pourtant, la gestion scientifique calamiteuse et chronique de la vaccination anti-grippale devrait éveiller des soupçons...
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