Maternité fermée faute de soignants, urgences régulées, services à l’arrêt à l’hôpital de Paimpol, médecins de ville partant à la retraite non remplacés… : l’accès aux soins dans les Côtes-d’Armor est de plus en plus difficile. Plutôt que de rester les bras croisés, face à l’urgence, une vingtaine de maires bretons ont lancé une action symbolique forte pour « le respect de la dignité humaine ». Leur idée ? Un arrêté municipal (publié au recueil des actes administratifs de chaque ville) qui vise à mettre en demeure l’État de prendre des mesures urgentes afin de répondre « aux troubles à l’ordre public suscités par une offre sanitaire manifestement insuffisante ».
Se basant sur divers textes fondateurs internationaux ou domestiques (Déclaration universelle des droits de l’Homme, Constitution, charte des droits fondamentaux de l’UE sur la protection de la santé mais aussi Code de la santé publique…), l’arrêté met en demeure l’État et son bras armé, l’ARS, d’initier dans les plus brefs délais « un plan d’urgence pour l’accès à la santé » dans ce département garantissant des hôpitaux publics « de plein exercice accessibles H24 ». Dans ce cadre, l’arrêté enjoint à l’État de créer pour les hôpitaux du département « les véritables conditions au déploiement des personnels nécessaires », y compris en négociant des accords internationaux avec les États partenaires comme Cuba, et avec la régularisation des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue).
Autres revendications concrètes de cet arrêté, qui est aussi l’expression de la colère des édiles : doter les hôpitaux concernés du GHT n° 7 Armor de « dix véhicules Smur neufs », « d’un HéliSmur utilisable » ou encore « rembourser au km près, aux collectivités locales, les dépenses de trajets supplémentaires des véhicules des pompiers, qui assurent le transport des patients vers des services toujours plus éloignés ».
Selon ce même arrêté, surtout, la non-exécution de ces mesures engage les services de l’État au « paiement d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard », à compter de sa notification.
Il arrive aux pompiers de faire des accouchements sur la RN12
Le maire de Belle-Isle-en-Terre
Maire de Belle-Isle-en-Terre depuis 2014, François Le Marrec, joint par Le Quotidien vient de signer cet arrêté en faisant jouer son pouvoir de police administrative. Et l’édile ne cache pas son exaspération. « En tant que maire, je dois faire cesser les troubles à l’ordre public suscités par des difficultés d’accès aux soins de mes administrés », explique-t-il. Depuis la suspension des accouchements à la maternité de Guingamp, par exemple, « les patientes doivent aller vers des services plus éloignés et il arrive aux pompiers de faire des accouchements sur la RN12 », se désole-t-il.
Pire, dans sa commune de 1 000 habitants où exercent deux généralistes de 65 et de 70 ans, « sur le point de partir à la retraite », l’élu peine à trouver des candidats à leur succession « alors que le cadre de vie à Belle-Ile en Terre est agréable et qu’un local est à la disposition des médecins », décrit-il. « Un projet de maison de santé pluriprofessionnelle et d’accueil de jour dans un Ehpad était sur les bons rails, ajoute-t-il. Mais l’ARS n’a pas suivi. Nous n’avons pas pu aller jusqu’au bout faute de budget ».
Aller jusqu’au bout
Interpellé « quotidiennement » par ses administrés sur les difficultés d’accès aux soins, François Le Marrec se dit déterminé à aller jusqu’au bout de cette action, lancée par le président de Guingamp-Paimpol agglomération, Vincent Le Meaux. Interrogé par Ouest France, l’élu expliquait que « tout l’ouest costarmoricain est en grande difficulté ». « L’agence régionale de santé ne répond pas à nos questions, nous sommes bien partis pour durer dans la mobilisation », dit-il.
Les édiles sont donc prêts à engager un bras de fer juridique avec l’État si leurs arrêtés municipaux sont contestés. Leur action n’est d’ailleurs pas la première. Il y a deux ans, l’Association des citoyens contre les déserts médicaux (ACCDM) créée en 2016 – qui regroupe notamment des élus, patients et médecins – avait porté plainte auprès du Conseil d’État contre l’inaction du gouvernement pour lutter contre les déserts médicaux. Cette saisine avait été rejetée, la plus haute juridiction administrative ne partageant pas leur analyse.
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